"Super-size me" : le risque d’être "trop gros" sur le marché obligataire

Les retombées sur les marchés obligataires du départ de chez PIMCO du "méga" gérant de portefeuille Bill Gross, ont ajouté une nouvelle dimension aux défis actuellement posés aux investisseurs de titres obligataires.

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Ces dernières semaines, les préoccupations relatives au marché obligataire ont été justifiées la plupart du temps mais elles devraient également être considérées comme une opportunité pour réfléchir plus largement sur les questions liées à la stratégie de portefeuille, le risque de liquidité et le risque d’entreprise.

A ce stade du cycle économique, les expositions de taille modérée et la capacité des gérants d’actifs à être flexible sont deux éléments essentiels pour réussir. Les risques de devenir trop « gros » et de se tromper n’ont jamais été aussi importants.

Les investisseurs obligataires doivent faire face à des défis importants - de bas niveaux de taux d’intérêt potentiellement susceptibles de remonter, une faible liquidité et maintenant ces secousses dans le monde de la gestion d’actifs. Cela a conduit à une plus grande incertitude, une hausse de la volatilité et une pression baissière sur les prix des actifs. Plusieurs stratégies peuvent aider à atténuer ces risques : en se concentrant sur les parties les plus attrayantes du marché tels que les obligations de sociétés ; compte tenu des contraintes de liquidité posées par les "méga" gestionnaires d’actifs ; et en utilisant les perturbations de marché, qui n’ont pas d’effets durables, comme des opportunités d’investissement.

Le sentiment de prudence envers le marché de taux d’intérêt, est actuellement fort, mais les investisseurs devraient toutefois ne pas mettre tous les marchés obligataires dans le même sac. La Fed semblent vouloir mettre fin à son programme d’achat d’actifs à grande échelle (assouplissement quantitatif) au cours de ce mois d’octobre. Le mois dernier, sa prévision médiane pour le taux "Fund Rate" a augmenté, s’établissant à 1,38% pour la fin 2015, 2,88% d’ici la fin 2016 et 3,75% d’ici la fin de l’année 2017 [1]. Pourtant, bien que les obligations gouvernementales semblent peu attrayantes sur ??les marchés des pays développés, les obligations d’entreprises offrent encore des primes de rendement raisonnables en raison de fondamentaux attractifs, mais aussi d’un profil de risque modéré et de taux de défaut historiquement bas. En outre, le secteur des obligations d’entreprises offre un gisement intéressant pour les gestionnaires d’actifs qui sont en mesure, grâce à leur capacité de recherche, de créer de la valeur sur ce segment de marché, d’évaluer les risques et d’ajouter de l’Alpha à leurs portefeuilles client à travers une sélection de titres rigoureuse.

Un autre défi pour les investisseurs obligataires concerne la liquidité, la capacité à traiter sur le marché et le coût pour le faire. La liquidité s’est détériorée au cours de ces dernières années, en raison des changements importants intervenus depuis la crise financière.

Il y a aujourd’hui moins de courtiers présents sur le marché et les intervenants financiers ont maintenant des exigences plus élevées en matière de fonds propres, ce qui pèse sur leur rentabilité mais aussi sur l’opportunité à détenir un portefeuille obligataire de taille conséquente ; les opérateurs de marché étant désormais sanctionnés pour une détention trop longue d’obligations en portefeuille. Enfin, les nouveaux règlements relatifs à la négociation pour compte propre par rapport aux activités de teneurs de marché créent une incertitude supplémentaire. Ces acteurs ne sont donc désormais plus en mesure d’apporter de la liquidité au marché obligataire.

De plus, les changements intervenus dans l’industrie de la gestion d’actifs ont également contribué à une moindre liquidité du marché obligataire. Plusieurs gestionnaires obligataires ont connu une croissance massive de leurs actifs sous gestion, bien au-delà du seuil symbolique des 1 000 milliard de dollars.

En conséquence, un petit nombre de gestionnaires obligataires gère aujourd’hui un large pourcentage des encours globaux du marché. La liquidité n’est généralement pas un problème pour les gérants accumulant à l’achat des obligations, mais cela peut, en revanche, devenir problématique le jour où ces gestionnaires ont besoin de liquider leurs positions.

Le problème s’aggrave quand il s’agit d’un "méga" gestionnaire qui a besoin de vendre une position importante en raison d’un changement de stratégie ou de rachats de taille conséquente.

Le moindre nombre de courtiers combiné à des gestionnaires d’actifs de taille « XXL » peut donc exercer une pression à la baisse sur certaines obligations ou sur des secteurs entiers du marché obligataire, en cas de liquidation. Un point important à noter est qu’une liquidité réduite augmente les coûts de transaction et empêche la génération d’Alpha, en particulier dans les portefeuilles de grande taille. Se positionner sur un "méga" gestionnaire peut être préjudiciable pour les investisseurs en raison d’une plus grande difficulté à exploiter pleinement les stratégies de sélection de titres sur une base continue mais aussi en cas de désinvestissement.

Bien qu’aucun gérant ne soit à l’abri de problèmes de liquidité, les gestionnaires d’actifs de taille appropriée - ceux assez importants pour avoir de larges capacités de recherche en profondeur, tout en faisant preuve de souplesse - semblent aujourd’hui les mieux placés pour affronter les problèmes liée à la liquidité du marché obligataire. Les récentes déséquilibres, liés aux "mega" gestionnaires, peuvent représenter des opportunités intéressantes pour les investisseurs à long terme, capable d’acheter au meilleur prix des obligations d’entreprises de type " investment-grade", "high yield" ou encore des titres adossés à des créances hypothécaires et à des créances mobilière .

Colin Lundgren , Jim Cielinski , Octobre 2014

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Notes

[1] Réserve fédérale américaine septembre 2014

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