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L’insoutenable rigidité de l’économie allemande

L’épargne excessive de l’Allemagne pénalise l’ensemble de la zone euro et l’empêche de jouer son rôle de moteur de la croissance européenne. Les allemands exportent et ne consomment pas. Mais, la BCE, en maintenant les taux d’intérêt en territoire négatif, oblige les épargnants allemands à repenser leur allocation en privilégiant...

L’épargne excessive de l’Allemagne pénalise l’ensemble de la zone euro et l’empêche de jouer son rôle de moteur de la croissance européenne. Les allemands exportent et ne consomment pas. Mais, la BCE, en maintenant les taux d’intérêt en territoire négatif, oblige les épargnants allemands à repenser leur allocation en privilégiant peut-être à terme la consommation au détriment de l’épargne financière. Un pari utile mais cher payé par tout un pan de l’économie européenne.

Alors que l’économie britannique rebondit contre toute attente après le Brexit, voilà que la situation outre-Rhin s’effrite. La production industrielle allemande a subi sa plus forte contraction depuis 1 an avec -1,5% en juillet sur le mois. Le moral des entreprises a enregistré, de même, une détérioration surprise en août, enregistrant son plus fort recul depuis la crise de la dette souveraine en 2012. Raisons invoquées : les conséquences de la décision de la Grande-Bretagne de sortir de l’Union européenne et la baisse de la demande mondiale en particulier celle en provenance de Chine. Tous les indicateurs économiques outre-Rhin sont pourtant au vert mais l’activité allemande semble invariablement et uniquement corrélée aux aléas extérieurs. Le climat des affaires en Allemagne fluctue en fonction des nouvelles de l’étranger.

L’Allemagne : un pays émergent ?

L’Allemagne se comporte comme un pays émergent. Sa dynamique économique repose quasi-exclusivement sur ses exportations. Pourtant, à chaque nouvelle publication trimestrielle, l’office fédéral de statistiques allemandes, Destatis, explique, dans son communiqué, que la consommation des ménages est enfin repartie à la hausse et est devenue un des stimulants principaux de la croissance. Mais, environ deux semaines plus tard, au moment où ce même institut dévoile l’exacte décomposition de la croissance allemande, la même tendance se dessine quasi-invariablement. Les exportations restent le moteur de l’activité outre-Rhin.

Ainsi, la croissance du PIB allemand a enregistré une hausse de 0,7% au premier trimestre 2016 par rapport au précédent et de 0,4% d’avril à juin. Sur ces deux derniers trimestres, les exportations ont progressé respectivement de 1,6% et 1,2% lorsque sur la même période la consommation privée n’a augmenté que de 0,3% et 0,1%.

Il y a donc bien un problème structurel au niveau de la dépense des ménages alors même que le taux de chômage est son niveau de quasi plein-emploi.

Pourtant, force est de constater que ce déséquilibre ne soulève pas réellement de débat outre-Rhin. Nombreux sont ceux à expliquer cette atonie de la consommation par le vieillissement de la population. Avec un taux de fécondité de 1,4 enfant par femme, le renouvellement des générations n’est pas assuré. L’épargne de précaution est ainsi de rigueur.

L’épargne à tout prix

Plutôt que de lutter contre ce frein que constitue la déformation de la démographie, les autorités allemandes ont préféré garder un œil circonspect sur les comptes publics avec, en premier objectif, le respect du critère de Maastricht en matière de déficit public et en second, la capacité de dégager un surplus budgétaire. Mission accomplie en 2015 puisque l’Allemagne enregistre un solde positif de ses comptes publics de près de 30 milliards d’euros.

Ainsi, outre-Rhin, le maître mot est l’épargne à tout prix, c’est à dire aux dépens du vieillissement de la population et de la croissance économique de long terme.

Force est d’admettre que l’accueil récent des réfugiés arrive à point nommé pour compenser à terme une partie de l’atonie de la consommation. Ces nouveaux entrants ont tout à construire et représentent un potentiel de croissance non négligeable si leur intégration se fait dans de bonnes conditions. Mais, demeure le problème à court terme qui pénalise l’ensemble de la zone euro qui a besoin de soutien à sa dynamique économique.

BCE : cheval de Troie

Comment transformer des épargnants en consommateurs quand les autorités publiques locales restent invariablement convaincues que seule l’orthodoxie budgétaire prévaut ? La BCE a peut-être apporté un début de réponse. En installant durablement les taux d’intérêt en territoire négatif, l’institut francfortois soutient la relance du crédit et rend l’épargne financière inefficace et contraignante. A quoi bon, en effet, placer ses liquidités sur les emprunts d’état allemands, si ceux-ci délivrent un rendement négatif ?

Dans ce contexte, la consommation devient la meilleure des alternatives. Pour autant, cette stratégie est dangereuse pour les caisses d’épargne et les compagnies d’assurance allemandes et plus généralement pour celles de l’ensemble des pays de la zone euro qui se sont engagés à délivrer une certaine performance qui est aujourd’hui irréalisable dans les conditions actuelles de marché.

Ainsi, si la BCE tente d’enrayer le fléau que constitue l’épargne excessive Outre-Rhin dans un environnement à l’affût d’un sursaut de demande, reste qu’elle déstabilise tout un pan de l’économie européenne.

On se rappelle l’époque où la réunification allemande avait nécessité la hausse des taux d’intérêt pour assurer la reconstruction à l’Est et avait obligé l’ensemble des pays de la future zone euro à emboiter le pas pour éviter de déstabiliser leurs devises. Aujourd’hui, encore, l’Allemagne fait figure de cavalier seul avec un modèle économique loin d’afficher la solidarité qu’on aurait pu espérer au sein d’une Union monétaire. De facto, les autres pays membres subissent des taux d’intérêt dangereusement bas. Mais, la BCE, en arbitre indépendant, semble décider à forcer l’Allemagne à rééquilibrer son épargne au profit de la dépense privée. Si elle réussit, alors le jeu en valait la chandelle.

Stéphanie Villers , Septembre 2016

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