Investir dans des stratégies en actions protégées, pour économiser du capital, mais pas seulement…

L’environnement actuel de taux extrêmement bas incite les investisseurs à chercher d’autres sources de performance, en particulier du côté du marché actions, mais la volatilité des marchés et les contraintes comptables et règlementaires qui pèsent sur les assureurs les incitent à se tourner vers des stratégies avec une couverture des risques adaptée.

L’environnement actuel de taux extrêmement bas incite les investisseurs à chercher d’autres sources de performance, en particulier du côté du marché actions, mais la volatilité des marchés et les contraintes comptables et règlementaires qui pèsent sur les assureurs les incitent à se tourner vers des stratégies avec une couverture des risques adaptée. Ces stratégies permettent de participer à la performance des actions sur le long-terme, en limitant les risques extrêmes, et à moindre coût règlementaire…

Un contexte règlementaire et financier favorable

En conséquence de la crise financière et des travaux de préparation à l’entrée en vigueur de Solvabilité 2, de nombreux assureurs ont réduit fortement leurs allocations actions. En effet, toutes sociétés d’assurance confondues (vie et non vie), le SCR Marché représentait, sur l’exercice 2015, 78% du BSCR (avant risque opérationnel et absorption par les provisions techniques et les impôts différés), et le SCR Action représentait 49% du SCR Marché (source : ACPR, Analyse et Synthèses, décembre 2015). L’enjeu est donc de taille ! De plus, la conjoncture actuelle (et durable ?), dans laquelle la faiblesse des rendements obligataires est combinée à des pics de volatilité sur les marchés boursiers, augmente les défis que les assureurs doivent relever dans leur politique d’investissement.

L’introduction de stratégies asymétriques, réduisant à la fois la volatilité et la perte en cas de choc extrême sur les marchés (et par conséquent le coût en capital sous Solvabilité 2) permet donc aux assureurs de maintenir, voire d’augmenter leur exposition au marché actions, pour améliorer le rendement de leurs allocations d’actifs et préserver leur rôle de long-terme dans le financement de l’économie.

Une offre de solutions déjà bien vaste sur la place

Dans ce contexte, les stratégies d’actions dites protégées se sont multipliées ces derniers mois, avec différents sous-jacents couverts et sous différents formats : couverture d’un risque action indiciel, d’une stratégie actions d’une société de gestion, ou encore couverture sur mesure du portefeuille actions de l’assureur, sous forme de produits packagés, ouverts ou dédiés, combinant investissement actions et couvertures ou via des solutions overlay de couverture, etc.
Au-delà du sous-jacent et du format, deux grandes familles de stratégies se distinguent : celles qui combinent un investissement en actions et une couverture des risques via options, et celles qui proposent une gestion type CPPI couplée à une garantie sur la perte maximale du portefeuille sous-jacent.

Les stratégies à base d’options et nos solutions « Premium »

La première grande famille de solutions d’actions protégées combine un investissement en actions et une couverture des risques via options. La stratégie la plus naturellement efficace est l’achat de puts (options de vente), mais elle s’avère coûteuse sur le long-terme, il est donc nécessaire de la raffiner pour diminuer son coût et améliorer sa participation au marché.

Différentes variantes existent sur la place, mais le plus souvent les stratégies s’articulent autour de deux axes :

  • Une couverture structurelle (systématique ou non) de l’exposition actions, visant à stabiliser et réduire à la fois le profil de risque et le coût en capital (à condition d’être présente en permanence en portefeuille).
  • Une stratégie optionnelle (systématique ou non) de performance via la vente d’options de maturités courtes, visant à réduire le coût de la couverture sans dégrader le profil de risque du fonds.

Le choix de la stratégie de couverture (puts, put spreads), des prix d’exercice, des maturités, du notionnel couvert, de la fréquence de rebalancement, etc, varie selon le gérant.
Les options étant liquides et listées, la capacité est forte en termes de taille de couverture, et ces stratégies ne génèrent pas de SCR de contrepartie.
Ce type de stratégie peut s’appliquer sur toute classe d’actifs pour lequel il existe un marché d’options suffisamment mature, profond et liquide.
En revanche, le point délicat de ces stratégies est l’appréciation du risque de base (cf encadré ci-dessous).

Nos solutions Premium s’inscrivent dans la famille des couvertures optionnelles. La version ouverte combine une exposition aux actions de la zone euro (fonds ouvert à tracking-error mesurée), une stratégie de couverture optionnelle visant à réduire les risques du portefeuille sous-jacent, et une autre stratégie optionnelle discrétionnaire ayant pour objectif de réduire le coût de la couverture.

Il est à noter que notre stratégie de couverture est présente de manière permanente en portefeuille, mais qu’elle n’est pas systématique.

En effet, nous exploitons les différents degrés de liberté (type de stratégie – put versus put spread, strikes, maturités, nominaux, etc) pour gérer dynamiquement la couverture en fonction des opportunités de marché afin de réduire son coût.

  • Par exemple, le choix de la stratégie (puts ou put spread) dépendra du niveau de volatilité implicite des options : exploiter la propriété de retour à la moyenne de la volatilité implicite permet de réduire le coût de la couverture sur le long-terme. Ainsi, lorsque la volatilité implicite est basse, la couverture sera principalement constituée d’achat de puts qui ont une sensibilité à la volatilité implicite (véga) plus forte et qui profiteront plus d’une remontée de celle-ci vers sa moyenne. Réciproquement, lorsque la volatilité est haute, la couverture sera principalement constituée de puts spreads qui ont une sensibilité à la volatilité implicite (véga) plus faible et qui souffriront moins d’une baisse de celle-ci vers sa moyenne.
  • En ce qui concerne la maturité des options, nous avons choisi d’utiliser des options de maturité comprise entre 12 et 24 mois :
    • La première raison est financière et concerne le coût de portage des options qui est d’autant plus élevé que la maturité est courte. Bien que les options de maturité courte soient plus réactives dans les chocs de marché, elles sont beaucoup plus chères à porter structurellement sur longue période que des options de maturité longue.
    • La deuxième raison concerne la directive Solvabilité 2. La section « Techniques d’atténuation du risque », qui définit les règles de calcul à appliquer aux instruments de couverture, pénalise les instruments dont la maturité est inférieure à 12 mois (soit par un prorata temporis défavorable, soit par un coût de roll estimé sur 12 mois assez élevé a fortiori compte-tenu du coût de portage élevé des options de maturités courtes).
  • Le niveau de prix d’exercice est principalement dicté par l’objectif de réduction du risque et de SCR Marché du produit, et se situe autour de 80% pour les puts et autour de 80% et 60% pour les putspreads, mais peut-être également ajusté à la marge pour augmenter ou réduire l’exposition actions du fonds en fonction des vues de marché des équipes de gestion.

La gestion dynamique de cette stratégie de couverture structurelle est une vraie source de valeur ajoutée.

La stratégie optionnelle secondaire, qui vise à réduire le coût global de la couverture, est constituée principalement de ventes discrétionnaires de calls. La maturité des calls vendus est courte (entre 1 et 2 mois) car le portage à capter est le plus élevé sur ces maturités. Le niveau de prix d’exercice à l’initiation de la position peut varier entre 105% et 115% du niveau de marché en fonction des niveaux de primes des options et de nos vues de marché.

D’autre part, nous adoptons une approche prudente (engagement réduit, voire pas de positions) sur ce type de stratégie suite à un mouvement baissier important du marché actions.

En effet, l’analyse historique de la stratégie de vente de calls montre que le risque d’une forte hausse du marché actions, et par conséquent le risque de perte sur la vente de calls, est plus élevé après un mouvement de forte baisse du marché.

Point d’attention sur le risque de base

Dans la section « Techniques d’atténuation du risque » de la règlementation, il est spécifié que pour qu’une couverture financière soit reconnue sous Solvabilité 2, le risque de base entre la position couverte et le sous-jacent de l’instrument de couverture doit être « non matériel (...)

Nous avons également des solutions d’actions couvertes en versions dédiées, qui sont construites avec le même type de stratégies, mais visent à couvrir des portefeuilles actions de clients, avec des formats différents (maître/nourricier ou overlay, selon les attentes du clients). A noter que le format overlay (fonds distinct uniquement affecté à la couverture d’un ou plusieurs fonds cibles) peut présenter un avantage comptable puisqu’il ne nécessite pas de réaliser les plus-ou-moins-values latentes de l’investissement en actions. En revanche, ce format implique une consommation de cash supplémentaire par rapport au montage maître/nourricier.

Sur ce type de montage, nous sommes vigilants quant à l’appréciation du risque de base entre le portefeuille actions à couvrir et le sous-jacent des options utilisées. Nous calculons nos différents indicateurs avant le lancement du produit, et les suivons à rythme mensuel, afin d’alerter rapidement le client en cas de dérive du risque de base.

Les stratégies avec garantie bancaire sur la perte maximale

En ce qui concerne la deuxième grande famille de solutions d’actions protégées, la couverture du risque extrême de l’investissement en actions est apportée par une gestion type CPPI, basée sur un algorithme de désensibilisation de l’exposition actions en fonction de la performance réalisée : le gérant ajuste dynamiquement son exposition afin d’assurer la protection du capital investi, en augmentant le niveau de risques si le sous-jacent progresse et en le réduisant sinon. La stratégie est sécurisée par une garantie bancaire, qui permet de réduire contractuellement la perte maximale et par conséquent le SCR Marché du fonds.

Le principal avantage de ce type de stratégie est l’absence de risque de base, puisque la garantie s’applique directement à la valeur liquidative du fonds. En revanche, il faut passer par une banque d’investissement, et la garantie bancaire génère un SCR de contrepartie, qui n’intervient pas dans les solutions optionnelles construites à partir d’options listées.

Ce type de montage s’applique aussi bien sur les actions que sur d’autres classes d’actifs, ou sur des fonds diversifiés, mais il faut que le sous-jacent soit liquide pour pouvoir appliquer l’algorithme de désensibilisation sans trop de frottements (ce qui exclut a priori l’application à des fonds de crédit physique haut rendement par exemple).

L’inconvénient en revanche de cette approche est le risque de monétisation, en cas de performance négative durable, et notamment dans le contexte actuel de taux bas, qui nécessiterait de réinitialiser arbitrairement l’exposition afin de pouvoir reprendre du risque et espérer générer de la performance.

Quid des stratégies à volatilité réduite ?

Les stratégies à volatilité réduite (low vol, min variance) offrent également un profil rendement/risque défensif qui a fait ses preuves ces dernières années, mais ne rentrent pas selon nous directement dans la catégorie des stratégies dites « actions protégées » car elles ne bénéficient pas d’un choc réduit sous Solvabilité 2. Elles présentent toutefois un intérêt pour les assureurs, et bon nombre d’entre eux en détiennent, car au-delà de leur intérêt financier, elles réduisent la volatilité de l’actif et par conséquent le coût des options et garanties au passif, et donc le Best Estimate sous Solvabilité 2. Rappelons en effet que le pilier 1 de la directive ne se limite pas au calcul de besoin en capital, mais qu’il impose également une valorisation économique du bilan, notamment au passif, à travers le calcul du Best Estimate des provisions techniques, qui s’est renchéri avec la faiblesse des taux d’intérêt. Cet argument reste valable pour tout type de stratégie affichant une volatilité inférieure à celle du marché, et notamment pour les solutions avec couverture optionnelle.

Pour que ces stratégies bénéficient également d’un choc réduit à l’actif du bilan, il faut les coupler à une couverture, via options par exemple, mais pour limiter le risque de base, ces options doivent être structurées par une banque d’investissement sur le portefeuille low vol/min variance, ce qui complique le montage et engendre un SCR de contrepartie.

De plus en plus de sociétés de gestion et de banques d’investissement ont développé une offre de solutions d’actions protégées et le choix est maintenant vaste pour les investisseurs. Il conviendra d’évaluer ces différentes solutions selon deux critères principaux : tout d’abord, l’éligibilité effective sous Solvabilité 2 (notamment en ce qui concerne le risque de base entre le sous-jacent que l’on cherche à couvrir et le sousjacent de l’instrument de couverture), et enfin, le coût global de la stratégie (baisse de participation à la performance en cas de marché haussier) par unité de SCR Marché économisé.
La réduction de SCR Marché obtenue grâce aux solutions d’actions protégées peut être utilisée par les assureurs pour augmenter le poids des actions dans leur allocation ou être déployée vers d’autres classes d’actifs. Dans un environnement financier et réglementaire de plus en plus contraignant, ce type de solutions permet donc finalement de reconquérir un peu de liberté en terme d’allocation d’actifs. Enfin, si ces solutions offrent pour la plupart un profil rendement/risque intéressant sur le long-terme pour tout type d’investisseur, elles peuvent également apporter aux assureurs d’autres avantages que la réduction de SCR Marché à l’actif, comme l’impact sur la valorisation du passif de la réduction de la volatilité à l’actif ou encore la protection des plus-values comptables.

Noémie Hadjadj-Gomes , Novembre 2016

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