Pierre Sabatier présentait en décembre dernier les perspectives de PrimeView pour l’année 2016 sur les marchés financiers, identifiant alors deux sources d’incertitudes potentielles, susceptibles de peser sur le moral des investisseurs tout au long de l’année à venir :
- La question de la résilience des pays producteurs de matières premières face à la chute des cours en lien avec le ralentissement structurel en Chine
- Une fin de cycle bénéficiaire précipitée aux Etats-Unis
Dans une nouvelle publication, Pierre Sabatier revient sur le second facteur avec une question simple : Quel impact sur les marches actions en cas de retournement bénéficiaire ?
Voici les points clés de son étude.
? DES COMPARABLES HISTORIQUES PERMETTANT DE FAIRE RESSORTIR UN PROFIL TYPE DE RETOURNEMENT DE CYCLE
- Les données disponibles depuis 1870 pour le S&P 500 permettent de dessiner le profil « type » d’un retournement de cycle :
- une baisse moyenne de -40% et médiane de -35.6% des bénéfices (en termes réels) sur une période d’environ 30 mois.
- une correction de la valeur des actions de -28% (en moyenne et médiane avec des données mensuelles)
- Les segments de baisses sont très hétérogènes en intensité, allant de -7.6% en termes nominaux (-21.1% en termes réels) à -91.9% (-92.1% en termes réels).
- La plus forte baisse (-91.9% en nominal) correspond à la crise financière de 2007/2008, puis en seconde position à la grande dépression de 1929 avec -74.5%.
- Les cycles de retournement bénéficiaire sont longs : entre 12 mois en 1937 et 59 mois en 1981 (presque 5 ans)
- L’impact sur les marchés actions est conséquent (-20% au minimum) et quasi systématique, hormis dans 4 cas : septembre 1887, décembre 1950, mars 1956, et juin 1989
- Les bénéfices ne sont pas des indicateurs avancés de retournement des marchés dans la mesure où pour 10 des 17 cas, l’indice chute avant ces derniers. En médiane, les marchés anticipent la chute des bénéfices d’un mois. La crise des « subprimes » fait figure d’exception puisque le point haut avait été atteint en juin 2007 pour les bénéfices tandis que le S&P 500 touchait son plafond fin septembre.
? DES SIMILITUDES AVEC L’EPISODE DE 1937
- Sur les 17 cas dénombrés, seuls 3 se sont produits dans un environnement de taux bas (inférieurs à 3% en terme nominal) : 1937, 1950, et 1957.
- La comparaison des niveaux d’inflation pousse à exclure les deux épisodes des années 50, laissant comme comparable le plus similaire l’épisode de 1937.
- Les similitudes entre les deux époques sont frappantes, avec notamment la proximité de chacune des deux plus grandes crises de l’histoire économique moderne et une reprise américaine encore dépendante de politiques monétaires et budgétaires très accommodantes.
? QUELS OBJECTIFS DE COURS EN DEDUIRE ?
- Dans un scénario « 1937 » correspondant à une chute des bénéfices de -49%, le S&P 500 devrait alors corriger de plus de -50% (soit un retour vers les 950 points).
- Avec des scénarios plus « optimistes » correspondant aux baisses médianes et moyennes des bénéfices lors des retournements de cycle (respectivement de –29% et -36%), le S&P 500 devrait retomber dans une fourchette comprise entre 1100 et 1200 points (soit une baisse de -37% et -42%) par rapport aux niveaux actuels.
Dans ces conditions, il est indéniable que les marchés entreraient dans un véritable « bear market » si les bénéfices entamaient véritablement un retournement de cycle. La question qui se pose est donc la suivante : disposons-nous d’indices nous permettant de conclure que 2015 marque le début d’une décrue conséquente des profits des entreprises américaines ?