Employeurs « LGBT-friendly » : impact économique positif

Le Credit Suisse a lancé un portefeuille axé sur le traitement équitable des LGBT censé être le tout premier produit permettant à des clients d’investir dans des entreprises soutenant depuis plusieurs années leurs employés LGBT.

Le mois de juin a été marqué non pas par un, mais par deux événements qui feront date dans la lutte pour les droits des homosexuels en Amérique. Dans des décisions distinctes rendues au cours de ce mois, la Cour suprême a ouvert la voie au mariage homosexuel en Californie et invalidé le très décrié « Defense of Marriage Act ». Mais bien avant ces décisions, et peut-être même à l’origine de celles-ci, une bataille plus silencieuse pour les droits des homosexuels a été remportée sur la place de travail américaine, puisqu’un nombre croissant d’entreprises veille aujourd’hui à traiter leurs employés lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) de la même manière que leurs collègues hétérosexuels.

En effet, l’indice Corporate Equality de la Human Rights Campaign (HRC), qui évalue les entreprises sur la base de leur attitude envers leurs employés LGBT, compte 252 entreprises obtenant un score maximal de 100 en 2013. Lorsque le groupe de défense a lancé cet indice en 2002, seules 13 entreprises atteignaient ce score.

Tout ceci n’est pas arrivé par hasard

Tout d’abord, la HRC a fourni aux entreprises une feuille de route expliquant comment parvenir à l’égalité. De plus, ces dix dernières années, les consommateurs soucieux des droits des LGBT ont utilisé l’indice HRC pour se renseigner sur les entreprises soutenant des politiques en faveur des LGBT. Mais aucune option simple n’a été proposée aux investisseurs pour en faire autant, par exemple en achetant un véhicule de placement incluant uniquement des entreprises LGBT-friendly très performantes.

Le Credit Suisse lance un portefeuille axé sur le traitement équitable des LGBT

En réponse à l’intérêt grandissant des investisseurs pour ce type de véhicules, le Credit Suisse a lancé en octobre un portefeuille « LGBT Equality » estimé être le tout premier produit permettant à des clients d’investir dans des entreprises soutenant depuis plusieurs années leurs employés LGBT tout en étant attractives selon des approches d’évaluation traditionnelles telles que le ratio cours/bénéfices prévisionnel, le rendement en dividende, le taux de croissance des dividendes et des estimations du potentiel haussier de l’action. « Nous pensons que les entreprises qui s’engagent et appliquent en haut lieu de bonnes politiques à l’égard des collaborateurs LGBT devraient en tirer un bénéfice économique en termes de résultats », explique Eric Berger, Relationship Manager pour la division Private Banking du Credit Suisse aux Etats-Unis et membre du réseau LGBT de la banque, qui a joué un rôle critique dans le développement du produit au cours de ces deux dernières années.

Pour concevoir ce produit, Nicole Douillet, trader au Credit Suisse et co-présidente du réseau LGBT, a tout d’abord constitué un indice pondéré en fonction des capitalisations boursières d’entreprises LGBT-friendly en se basant sur le classement des employeurs établi par la HRC. Dans sa version actuelle, l’indice non-négociable Credit Suisse LGBT Equality se compose d’environ 200 entreprises obtenant un score de 80 ou plus selon le barème d’évaluation Corporate Equality de la HRC. Elles figurent pratiquement toutes dans le S&P 500.

Créer un instrument investissable

L’étape suivante consistait à créer un instrument investissable optimisé. A cette fin, l’équipe HOLT du Credit Suisse – qui évalue des sociétés individuellement pour des clients allant des hedge funds aux gestionnaires de patrimoine – a sélectionné parmi une liste d’entreprises LGBT-friendly avec un score de 80 ou plus, les actions constituant selon elle de bonnes idées d’investissement sur la base d’indicateurs plus traditionnels.

Soyons clairs, avoir une politique favorable aux LGBT ne suffit pas en soi à faire d’une action (ou d’un portefeuille) une valeur sûre.

Mais les investisseurs socialement responsables à la recherche d’une large exposition aux actions pourraient voir comme une possible alternative la sélection d’un panier diversifié d’entreprises LGBT-friendly, compte tenu notamment de la corrélation à plus de 99% entre l’indice LGBT Equality et le S&P 500.

L’effet positif des politiques de soutien aux LGBT

Le « business case pour la diversité » possède une logique inhérente. Après tout, une place de travail plus accueillante devrait générer un certain bénéfice économique, non ? Pour le vérifier, le Credit Suisse a sponsorisé une étude menée par le Williams Institute, un laboratoire d’idées de la Los Angeles Law School à l’Université de Californie, dont les résultats ont été publiés en mai dans un rapport intitulé « The Business Impact of LGBT-Supportive Workplace Policies » (L’impact économique positif des politiques de soutien aux LGBT sur la place de travail). D’après cette étude, les chercheurs disposent de nombreux éléments prouvant que ce genre de politiques a bien des répercussions positives. Certaines sont évidentes, comme une plus grande satisfaction et implication des collaborateurs LGBT au travail. D’autres le sont moins, notamment l’accroissement de la productivité.

Les moins bonnes nouvelles

Peu d’éléments indiquent que de telles politiques améliorent réellement les bénéfices en faisant augmenter les revenus ou baisser les coûts, et qu’elles pourraient ainsi avoir un impact indirect sur le cours des actions. Les chercheurs ont certes trouvé une étude montrant que les cours des actions d’entreprises avec des politiques LGBT plus affirmées enregistraient de meilleures performances que ceux de leurs pairs sur une période de quatre ans, mais une autre a montré que le cours des entreprises listées dans l’indice Corporate Equality de la HRC ne connaissait qu’un léger sursaut immédiatement après la publication du rapport puis que cet effet de halo se dissipait en l’espace de trois jours.

Pourquoi les politiques de soutien fonctionnent

La conclusion la plus indéniable de l’étude est que les employés sont davantage enclins à s’ouvrir quant à leur orientation sexuelle dans les entreprises dotées de politiques de soutien. « La plupart d’entre nous aiment avoir des photos de leur famille au travail », explique M.V. Lee Badgett, chercheuse éminente au Williams Institute et directrice du Center for Public Policy and Administration à l’Université du Massachusetts Amherst. « Et les conversations avec les collègues consistent notamment à se raconter ce qu’on a fait pendant le week-end ; c’est ce qui fait la cohésion d’une équipe. » Toutefois, une enquête menée l’année dernière par le Center for Talent and Innovation, un laboratoire d’idées, a montré que 41% des employés de bureau LGBT diplômés du supérieur cachent encore leur orientation sexuelle au travail. Ceci est déjà mieux que les 48% relevés en 2011, mais la marge de progression reste importante.

L’étude du Williams Institute a également suggéré que les entreprises sans politique ferme de lutte contre les discriminations ni égalité de traitement éprouveraient des difficultés à recruter des candidats LGBT très qualifiés, car une enquête a révélé qu’environ 90% des personnes LGBT interrogées considéraient comme important de travailler pour une entreprise ayant mis en place de telles règles. Cela peut sembler évident. Mais voici un constat qui l’est moins : elles auront également du mal à recruter des candidats non LGBT hautement qualifiés. Un sondage de 2006 cité dans la revue a montré que 72% des sondés hétérosexuels déclaraient qu’il était important de travailler dans une entreprise appliquant une politique de non-discrimination.

« La jeune génération regarde les employeurs potentiels à travers le prisme de la responsabilité publique globale », explique John Lake, Director of Corporate Development de la HRC.

Les répercussions des places de travail LGBT-friendly

Dans le même ordre d’idées, M.V. Lee Badgett suggère que le développement des politiques en faveur des LGBT au travail a eu des répercussions allant bien au-delà des employés directement concernés par ces politiques. Selon elle, l’argument en faveur de l’égalité a véritablement été posé lorsque des employés LGBT ont fait pression avec succès sur leurs départements des ressources humaines et leurs dirigeants pour obtenir des avantages équivalents et des politiques de non-discrimination. Si le secteur privé a pu traiter les gens équitablement sans voir ses bénéfices s’effondrer, pourquoi le gouvernement ne le pourrait-il pas ? « Je pense que cela a réellement conforté le soutien à l’égalité », déclare-t-elle. Beaucoup de sociétés ont désormais rejoint la lutte publiquement. L’an passé, un certain nombre d’entre elles dont Amazon, Nike, Starbucks, et le Credit Suisse ont signé un amicus curiae soutenant que le Defense of Marriage Act limitait leur capacité à recruter les meilleurs employés possibles.

Mais la lutte sur la place de travail continue

Si la HRC publie toujours ses classements d’entreprises, c’est qu’il y a une raison : un grand nombre de sociétés ne sont pas encore à la hauteur en matière d’égalité de traitement. Et pour le moment, dans beaucoup d’endroits, il n’y a pas d’obligation légale les contraignant à changer leurs pratiques. Il n’y a pas de loi fédérale empêchant les employeurs de discriminer négativement leurs collaborateurs LGBT et la HRC rappelle que le nombre d’Etats dépourvus de lois spécifiques prohibant la discrimination à l’encontre d’employés ou de candidats à un poste sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur genre est respectivement de 29 et 34.

Il n’y a rien de mal à ce qu’une entreprise mette en place une politique de soutien aux LGBT pas seulement parce ce que c’est la bonne chose à faire mais simplement parce que cela pourrait aussi générer un bénéfice économique. Ceci vaut également pour un portefeuille d’actions.

« Je ne crois pas que cela aurait été imaginable il y a dix ans, confie J. Lake à propos du lancement d’un portefeuille d’investissement axé sur les entreprises LGBT-friendly. Le fait que le Credit Suisse y voit non seulement une opportunité potentiellement rentable mais aussi la bonne chose à faire, est selon moi le signe d’un changement social de grande ampleur qui a été initié par des organisations telles que la Human Rights Campaign et d’autres organismes du mouvement LGBT. »

Ashley Kindergan , Octobre 2013

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