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Witold Bahrke : « La trinité impossible a besoin de trouver une solution »

Selon Witold Bahrke, Stratégiste chez Nordea Asset Management, en dépit des espoirs de reflation, l’inflation ne s’est pas vraiment ressaisie au cours du premier semestre, même si nous bénéficions d’une reprise mondiale synchronisée depuis plusieurs trimestres.

1. Les espoirs de reflation ont dominé la macro au premier semestre, mais l’inflation s’est récemment affaiblie. Est-ce que la reflation va faire son retour au second semestre ou bien va-t-on retourner à une norme de « faible inflation » ?

Alors que le premier semestre 2017 portait essentiellement sur les espoirs de reflation, c’est-à-dire les attentes d’une croissance plus élevée et d’une inflation modérément plus élevée, nous nous attendons à ce que l’histoire d’une "post-reflation" domine le second semestre de 2017. L’inflation s’est récemment affaiblie, confirmant notre thèse de pic de reflation dans les perspectives du second trimestre. Aux États-Unis et en Europe, l’inflation devrait rester inférieure à l’objectif des banques centrales d’environ 2 %. Dans le même temps, notre indicateur de croissance pointe vers un scénario d’atterrissage en douceur au second semestre, le tournant ayant été pris au second semestre. Cela reflète un ralentissement de la croissance chinoise car la banque populaire de Chine (PBoC) cherche à limiter les risques de levier, sans parler de la croissance décevante des États-Unis avec les Trumponomics qui n’ont jusqu’à présent pas eu les effets escomptés. L’Europe reste dynamique, ne montrant aucun signe de ralentissement.

Dans l’ensemble, nous nous attendons à des résultats économiques décevants au second semestre, ce qui devrait également se traduire par une croissance des bénéfices plus faible que prévu. La reflation reste une secousse, pas un changement de paradigme.

2. Récemment, les marchés sont devenus de plus en plus sensibles aux signaux des banques centrales. Est-ce que c’est ce qui nous attend au second semestre ?

Les marchés ont raison de s’inquiéter des banques centrales. Comme la toile de fond économique met en lumière une croissance élevée mais ralentissant et une inflation faible, ne vous attendez pas à ce que les banquiers centraux resserrent leur politique monétaire. Pour autant, les banques centrales sont en train d’émettre des signaux moins accommodants. La Fed, dont la priorité est désormais la restauration de son bilan, s’attend à entrer prochainement dans le territoire inconnu du resserrement quantitatif. Il existe de bonnes raisons de le faire afin notamment de limiter les risques financiers liés aux fortes valorisations et la faible crainte des investisseurs. Mais c’est aussi une expérience particulière car cela n’a jamais été fait et personne ne sait quels peuvent en être les effets potentiels.

Néanmoins, en fin de compte, l’un des risques les plus importants pour de nombreuses classes d’actifs est l’essoufflement de leur dynamisme avec le ralentissement de la croissance de la liquidité.

En d’autres termes, le marché devra de plus en plus chercher de nouveaux moteurs de performance. Étant donné le faible contexte macro décrit précédemment, on peut se demander si cela sera possible au cours des prochains mois.

3. Un environnement combiné d’inflation faible, de ralentissement de la croissance et de resserrement monétaire de la part des banques centrales semble stimulant. Comment cela affectera-t-il les marchés au cours du second semestre ?

L’affaiblissement des indicateurs économiques, le resserrement monétaire des banques centrales et les prix élevés des actifs est une trinité impossible, à notre avis. Au maximum, 2 de ces 3 facteurs sont susceptibles de se matérialiser d’ici la fin de l’année. Étant donné que les signaux économiques mettent systématiquement l’accent sur la faible inflation, la question clé du second semestre est donc de savoir quel facteur surviendra en premier : le marché devenant plus averse au risque ou les banquiers centraux devenant plus consensuels ? Nous pensons que le marché sera le premier à réagir avec l’augmentation de l’aversion pour le risque au second semestre car les banquiers centraux, presque par nature, n’ajustent leurs politiques que graduellement. Le passage du « hawkishness » (lutte contre l’inflation) vers le « dovishness » (soutien de la croissance) signifie une moindre crédibilité pour les banques centrales, et la crédibilité est une chose importance pour elles car elle difficile à gagner mais facile à perdre.

Cela signifie que des valorisations élevées dans de nombreuses classes d’actifs seront de plus en plus problématique compte tenu d’un contexte macro incertain et d’une position moins claire de la banque centrale, c’est-à-dire moins protectrice.

Donc, la trinité impossible a besoin de trouver une solution et le résultat probable est une volatilité plus élevée et un environnement moins favorable au risque. En fin de compte, les banques centrales pourraient être forcées de réagir, et de supprimer leur biais « hawkish » au moins pendant un certain temps, car ils ne peuvent pas ignorer le contexte de faible inflation. Cela pourrait arriver au troisième trimestre, ce qui limiterait la baisse des actifs risqués.

Next Finance , Août 2017

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