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Thierry De Vergnes : « La liquidité de notre portefeuille de loan n’est pas une préoccupation dans la mesure où nos clients investissent sur la durée »

Selon Thierry De Vergnes, Responsable de l’activité gestion de fonds de dettes chez Lyxor Asset Management, le cadre juridique des loans est plus ‘protecteur’ pour les investisseurs que celui du High Yield...

Next-Finance : Pouvez-vous décrire votre portefeuille de ‘loans’ (type de ‘loans’, type d’émetteurs, secteurs, duration moyenne, rendement moyen, encours) ?

Thierry De Vergnes : Notre portefeuille est composé de ‘loans sub-investment grade’ européens émis en euros dans le cadre d’opérations d’acquisition et/ou de rachat, effectuées par des entreprises basées en Europe. Nous nous intéressons à tout type d’émetteur, quel que soit son secteur d’activité, sous condition qu’il affiche un EBITDA (« Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization ») supérieur à 50 millions d’euros. La maturité contractuelle des ‘loans’ tourne autour de 7 ans, même si une certaine flexibilité existe en la matière. Pour de la dette bancaire dite ‘senior secured’, le rendement moyen correspond au taux Euribor 3 mois + 450 points de base. Enfin, nous gérons aujourd’hui notre CLO (« Collateralized Loan Obligations ») d’une taille initiale de 422 million, et le ’Club fund’ : 275 millions d’euros levés en 2013.

Nous nous intéressons à tout type d’émetteur, quel que soit son secteur d’activité, sous condition qu’il affiche un EBITDA supérieur à 50 millions d’euros.
Thierry De Vergnes, Responsable de l’activité gestion de fonds de dettes, Lyxor

Pourquoi avoir opté pour un ‘Club fund’ ? Quel intérêt pour les investisseurs ? Investir dans les ‘loans’ nécessite d’importantes ressources humaines ainsi qu’une expertise en analyse de crédit. Les investisseurs que vous rencontrez ont-ils ces moyens ?

Nous avons opté pour un ‘Club fund’ car en 2013 les compagnies d’assurance manifestaient un intérêt fort pour cette classe d’actifs et étaient prêts à investir. Cette forme de montage financier est la plus adaptée aux contraintes d’investissement de nos clients : il est ainsi possible de leur proposer des solutions sur mesure. Quant à la question des moyens nécessaires à mettre en place, vous avez raison, investir dans des ‘loans’ nécessite d’importantes ressources humaines ainsi qu’une expertise en analyse de crédit. Compte tenu de la complexité de ces produits d’investissements, il est donc plus pertinent d’investir via une société de gestion spécialisée dans ce domaine. C’est le cas de Lyxor, capable d’apporter son expertise et sa connaissance du marché mais aussi de ses différents acteurs. Quoi qu’il en soit, nos clients disposent d’un certain nombre d’éléments pour investir dans les meilleures conditions, à travers des reporting mensuels permettant d’assurer une totale transparence sur l’ensemble de nos ‘loans’ en portefeuille.

Les loans sont par essence plus contraignants qu’une obligation classique pour les émetteurs. Quels sont les différents types de ‘covenants’ que l’émetteur d’un ‘loan’ est obligé de respecter ? Est-ce un avantage pour l’investisseur ? Disposent-ils de suffisamment d’information pour agir ?

Effectivement, à la différence d’une obligation classique, les opérations de ‘loans’ impliquent la mise en place d’un certain nombre de ‘convenants’ ou de clauses de protection, attachés à la transaction. Ils peuvent porter sur une limite en dépense d’investissement, sur un levier d’endettement maximum, mesuré par le rapport dette/EBITDA ou bien encore sur des ratios financiers tels que le ‘Debt service coverage’ et ‘Interest coverage’, respectivement calculé par les ‘cash flows’ divisés par la somme des intérêts et de l’amortissement du capital et par l’EBITDA rapporté aux seuls intérêts de la dette. Bien évidemment, ces quatre ‘covenants’ classiques sont intéressants pour les investisseurs, dans la mesure où au-delà des contraintes imposées, ce type de clauses, attachées à l’opération, permet de mettre en place un cadre plus ‘protecteur’ pour les prêteurs. Ces ratios permettent d’avoir non seulement une parfaite connaissance des états financiers récents des différentes sociétés en portefeuille mais aussi une connaissance de leur ‘business plan’ pour pouvoir anticiper d’éventuels changements défavorables dans leur structure financière.

Le ‘loan’ a l’avantage d’être un produit financier très souple qui, à la différence d’une obligation, peut être renégocié, par exemple en augmentation ou en réduction en cas d’achat ou de cession d’une activité.
Thierry De Vergnes, Responsable de l’activité gestion de fonds de dettes, Lyxor

Face à l’abondance de liquidités actuelles disponibles sur les marchés, et vu les contraintes plus importantes du marché des ‘loans’ pour les émetteurs, pour quelles raisons choisissent-ils de lever de la dette via un ‘loan’ et non via une obligation classique ? A-t-on à faire à des émetteurs plus en difficulté que les émetteurs du segment ‘High Yield’ ?

Sur ce point, deux raisons peuvent être avancées pour expliquer pourquoi certains émetteurs choisissent de lever de la dette via un ‘loan’ et non via une obligation classique. Premièrement, le ‘loan’ a l’avantage d’être un produit financier très souple qui, à la différence d’une obligation, peut être renégocié, par exemple en augmentation ou en réduction en cas d’achat ou de cession d’une activité. C’est plus difficile et parfois plus onéreux avec une obligation classique. La deuxième raison tient au fait que les transactions de ‘loans’ sont privées à la différence des émissions obligataires ; ce qui permet à une entreprise ne pas rendre public ses états financiers. De quoi lui assurer une certaine confidentialité vis à vis de la concurrence, sur le niveau de ses marges ou de son bénéfice par exemple.

En 2007, le montant des émissions de prêts seniors était de 166 milliards d’euros. En 2012, ce chiffre était tombé à 29 milliards d’euros. Quel été le volume d’émission en Europe en 2013 ?

En 2012, le montant des émissions de prêts seniors s’est établi à 29 milliards d’euros, contre 43 milliards d’euros l’année précédente. Mais, le marché est reparti de l’avant en 2013 avec près de 67 milliards d’euros émis. Pour cette année, les experts visent un volume d’émission proche de 100 milliards d’euros.

Y a-t-il suffisamment d’offre de qualité ? Quelle est la logique de construction du portefeuille ? De combien de lignes de crédits a-t-on besoin pour bien diversifier le portefeuille ?

Oui, à mes yeux, il y a suffisamment d’offre de qualité. En 2013, 189 émissions ont été dénombrées contre 105 en 2012. De quoi offrir aux intervenants suffisamment d’opérations pour construire un portefeuille diversifié. A nos yeux, une diversification optimale nécessite la détention d’au moins 60 ‘loans’ différents. D’ailleurs, notre CLO a détenu plus de 80 émetteurs en portefeuille.

Nous avons affaire à des investisseurs institutionnels qui investissent dans une logique à long terme. Les fonds spéculatifs, très présents avant la crise financière de 2007 sont aujourd’hui beaucoup moins actifs sur ce marché.
Thierry De Vergnes, Responsable de l’activité gestion de fonds de dettes, Lyxor

A quel type d’investisseurs a-t-on à faire ? Des traders ou des ‘hedge funds’ venant faire du carry ? Des institutionnels de long terme ? La liquidité des ‘loans’ est moins importante que le High Yield, est-ce une préoccupation pour les investisseurs ? Comment gérez-vous dans vos fonds l’illiquidité de ce type de produit ?

Nous avons affaire à des investisseurs institutionnels qui investissent dans une logique à long terme. Les fonds spéculatifs, très présents avant la crise financière de 2007 sont aujourd’hui beaucoup moins actifs sur ce marché. En ce qui nous concerne, la liquidité n’est pas une préoccupation dans la mesure où nos clients investissent sur la durée du fonds. Bien évidemment, nous sommes néanmoins en mesure de leur offrir une ‘porte de sortie’ au cours de la durée de vie de nos produits, sous condition de respecter une notice minimale d’environ un mois.

Les coupons des ‘loans’ sont à taux variables. Mais, pour le moment, seuls les taux longs montent vraiment. Est-il réellement pertinent d’être indexé à E3m+spreads ? Ne vaudrait-t-il pas mieux ‘swappé’ ce coupon à taux fixe ?

Oui, les coupons des ‘loans’ sont à taux variables, ce qui nous semble pertinent compte tenu de l’environnement actuel de marché. De notre point de vue, les taux sont amenés à monter, à un horizon 7/8 ans, correspondant à la durée de vie de nos produits. En étant indexé sur des taux variables, nos investisseurs sont donc protégés contre cette éventuelle hausse des taux, ce qui ne serait pas le cas s’ils étaient investis à taux fixes, comme sur les emprunts d’Etat par exemple. Si des clients préfèrent les taux fixes, ils pourraient envisager de ‘swapper’ leur coupon qui sera lié a l’Euribor en un coupon a taux fixe mais ce serait une décision de gestion indépendante du fonds que nous gérons.

Vous êtes en cours de lancement d’un nouveau fonds de ‘loans’ ? Toujours sous forme de Club fund ? Quels seront les objectifs de collecte ? Quel segment de clientèle visez-vous ? Comptez-vous fermer l’accès du fonds aux nouvelles souscriptions à partir d’un certain montant d’actifs sous gestion ?

Oui, nous avons des projets en cours, compte tenu de l’intérêt grandissant des investisseurs pour cette classe d’actifs, susceptible de leur offrir un rendement proche de celui du ‘High Yield’ tout en bénéficiant d’une meilleure protection liée à travers la présence de ‘covenants’ et d’une protection contre la hausse des taux d’intérêt. Nous n’avons pas forcement de raisons de nous cantonner aux seules opérations sous forme de ‘Club fund’. Nous ne nous fixons pas de limites en termes d’objectif de collecte, sachant que nous visons à élargir davantage notre segment de clientèle et que nous restons relativement souples en termes d’encours sous gestion, compte tenu de la profondeur grandissante du marché des ‘loans’.

RF , Mars 2014

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