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Sylvie Bourmaud : « Notre modèle d’allocation est par construction plus résistant et plus stable que des modèles à vue unique. »

Selon Sylvie Bourmaud, Ingénieure Recherche chez CPR AM, les modèles d’allocation ont été soumis à rudes épreuves et le modèle de Markowitz a montré ses limites…

Comment qualifieriez-vous votre processus d’allocation d’actifs ?

Dans nos portefeuilles diversifiés, nous cherchons à mettre en oeuvre une gestion active, fortement diversifiée avec un risque maitrisé. Pour cela, le processus mis en oeuvre associe volontairement une approche modélisée et des aspects plus discrétionnaires. Nous déterminons les allocations des portefeuilles modèles en nous appuyant sur un modèle d’allocation d’actifs propriétaire qui permet de prendre en compte plusieurs scénarios de marché. Quant à l’aspect discrétionnaire, il est étroitement lié à la notion de timing. Il s’est avéré essentiel pour prendre en compte des événements inattendus et offrir de la réactivité face aux mouvements de marché.

Comment s’intègre le modèle dans votre processus ?

Le modèle s’inscrit au coeur du processus de gestion diversifiée. Cela nous a conduit, depuis sa création en 1996, à le faire évoluer régulièrement de façon à donner des réponses appropriées aux besoins des clients, des gérants et à tenir compte de l’environnement de marché. Un de ses atouts réside donc dans ses améliorations successives.

Au départ, nous étions partis sur le modèle classique de Markowitz avec une approche moyenne – variance qui consiste à maximiser l’espérance de rendement sous contrainte de risque. La limite de cette approche est la prise en considération de la réalisation d’un seul scénario de marché. En pratique, cette approche est difficilement exploitable car le modèle de Markowitz nécessite une connaissance exacte des anticipations de marché et nous avions une réelle difficulté à dégager un consensus entre gérants et stratégistes sur ce scénario. Très vite, nous avons donc décidé de faire évoluer notre approche vers le multi-scénarios. nous intégrons de manière simultanée un scénario central et un, voire deux scénario(s) adverse(s). Chaque scénario de marché est affecté d’une probabilité d’occurrence. Cette approche multi-scénarios permet de mieux modéliser l’aléatoire.

Le modèle de Markowitz apparaît désormais comme un cas particulier – absence de scénario adverse - de notre approche plus générale. Le modèle fournit, en fonction d’un niveau de risque, des portefeuilles types sous contraintes d’investissement. Les allocations sont revues mensuellement afin de tenir compte des évolutions de marché et de permettre une gestion active.

Nous avons cherché à illustrer l’apport du multi-scénario par rapport au mono-scénario avec l’exemple des actions européennes (graphe ci-dessous). Nous voyons que la distribution des performances dans le cadre du mono-scénario est centrée autour de l’espérance de gain +/- un écart-type (hypothèse de suivi d’une loi lognormale). Dans le cadre du multi-scénario, la distribution présente une queue de distribution plus épaisse traduisant la prise en compte des scénarios extrêmes de marché.

Les crises récentes n’ont-elles pas remis en cause l’utilité du modèle ?

Avec l’effondrement des marchés boursiers en 2008, les modèles d’allocation ont été soumis à rudes épreuves. Comme notre modèle intègre depuis 1998 la présence d’un ou plusieurs scenarios adverses, il est par construction plus résistant et plus stable que des modèles à vue unique. Il permet de limiter l’impact des « erreurs » ou « incertitudes » de prévisions.

Le graphique ci-dessous permet d’illustrer depuis fin 2007, le comportement d’un portefeuille optimal équilibré (50% taux internationaux – 50% actions internationales) face à son indice et face à un portefeuille optimisé avec le seul scénario central. En période de crise le portefeuille optimal multi-scénarios se comporte au pire comme le benchmark mais il surperforme son indice dans les phases de rebond.

Le moteur du modèle n’ayant pas été remis en cause par la pratique, nos travaux ont porté principalement sur la qualité des inputs et la gestion des risques.

Les prévisions font l’objet d’un suivi systématique pour évaluer leur qualité. Pour chaque actif, nous suivons son niveau effectif par rapport au tunnel de prévisions établi en tenant compte des différents scénarios de marché.

Pour adapter le modèle aux conditions de marché, les volatilités et matrices de corrélations sont sélectionnées en fonction de chaque scénario. Ces choix permettent une adéquation dynamique des risques et d’appréhender spécifiquement les risques extrêmes.
En matière de gestion des risques, de nouvelles contraintes ont été associées au modèle : Tout d’abord, une borne pour les pertes dans le cas de réalisation du scénario adverse. Nous avons également associé des bornes maximales et minimales relatives aux expositions définies le mois précédent pour stabiliser les portefeuilles.

Quels sont les derniers développements intégrés dans votre processus ?

Nous travaillons en parallèle sur deux aspects centraux de notre processus : l’élargissement de l’univers d’investissement sur des actifs apportant une réelle diversification et la prise en compte des risques extrêmes.

L’univers d’investissement est enrichi de manière progressive afin de bénéficier d’opportunités d’investissement et d’améliorer la diversification des risques. A titre d’exemple, nous avons récemment affiné notre prise en compte de la classe actions émergentes en distinguant trois zones : Europe de l’Est, Asie et Amérique Latine.

Fin 2009, c’étaient les matières premières – énergie, métaux précieux, matières premières agricoles - qui avaient fait leur apparition au sein des portefeuilles diversifiés qui le permettaient. En matière de gestion des risques, le niveau de risque utilisé comme contrainte d’optimisation des portefeuilles est ajusté en fonction des conditions de marchés. En cas de forte volatilité des marchés, le critère de risque pourra être revu à la baisse.

Nous commençons également à intégrer pour les clients qui le souhaitent, la gestion d’un niveau de perte maximale du portefeuille. Cette approche est complémentaire de l’approche traditionnelle de gestion des risques en volatilité ou en tracking-error. Elle nous semble pertinente pour faire face aux chocs extrêmes que les marchés ont connus. Un autre axe de développement est le suivi des exigences en capital associées à certains actifs dans la phase d’optimisation des portefeuilles.

Tous ces développements ont été possibles car dès sa conception nous avons cherché à construire un modèle suffisamment « généraliste » pour être robuste tout en permettant une adaptabilité à de nouvelles exigences.

Next Finance , Mai 2011

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