Quel est l’impact des annonces de la Banque du Japon sur les taux européens ?

A la suite des annonces spectaculaires de la Banque du Japon début avril, les taux européens ont fortement baissé. Nous analysons ici les statistiques du ministère des fi nances japonais pour voir ce qu’il en est réellement.

L’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement au Japon en décembre 2012 et la nouvelle politique économique adoptée, que ce soit sur le plan budgétaire ou monétaire, ont eu de forts effets sur le prix des actifs japonais et sur la valeur du yen. Ces bouleversements ont donné lieu à des réallocations de portefeuille qui ne correspondent pas forcément à ce que l’on imagine au premier abord.

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Rappelons quelques éléments. La doctrine du gouvernement Abe est de faire sortir le Japon de la défl ation dans laquelle il se trouve depuis les années 1990. Bien avant d’être élu, il a fait savoir qu’il souhaitait que la cible d’infl ation de la Banque du Japon (BoJ) soit revue à la hausse. Des annonces fortes avaient été faites par le gouverneur Shirakawa en janvier avec le passage de la cible d’infl ation à 2 % et l’annonce d’achats massifs de titres à partir de 2014. Le 4 avril, pour son premier comité de politique monétaire, le successeur de M. Shirakawa à la tête de la BoJ, M. Kuroda, a annoncé que la base monétaire doublerait d’ici la fi n 2014 : ce dispositif, de très grande ampleur, a surpris les marchés. Rappelons, par ailleurs, que le gouvernement a également dévoilé en janvier un plan de relance de 10,3 trillions ¥ (environ 100 Mds $). Un tel virage à 180° a évidemment eu des conséquences lourdes sur les variables fi nancières japonaises. Entre début octobre 2012 et la mi-mars, le yen s’est déprécié de 25 % par rapport au dollar et de 27 % par rapport à l’euro. Le Nikkei a, lui, pris environ 50 % en devise locale sur la même période. Les rendements obligataires à long terme japonais ont atteint leur plus bas historique le 4 avril, avec un taux 10 ans à 0,45 % ! Ces changements ont eu pour conséquence des fl ux inhabituels dans la direction et dans les montants.

Quel est le comportement des investisseurs japonais vis-à-vis des titres étrangers ?

De nombreux observateurs ont fait l’hypothèse que la baisse des rendements obligataires au niveau mondial et en particulier dans la zone euro (pays du coeur comme pays périphériques) qui a suivi le comité de politique monétaire du 4 avril avait pour origine des achats massifs d’obligations étrangères de la part des résidents japonais, jugeant les rendements domestiques trop faibles et leur devise susceptible de se déprécier à nouveau. Les taux européens ont en effet fortement chuté à la suite de ce comité : le taux 10 ans français est, par exemple, passé cette semainelà de 2,02 à 1,75 %, soit son plus bas niveau historique, mais une spectaculaire détente a également été observée sur les obligations italiennes et espagnoles.

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Cette hypothèse était d’autant plus crédible que les autorités japonaises ont acheté pour environ 49 Mds € (50,6 trillions ¥) d’obligations françaises sur l’année 2012, ce qui représente 27 % du programme d’émissions brutes de moyen et long terme de la France de cette année-là. Les résidents japonais n’ont, d’ailleurs, jamais autant acheté d’obligations françaises qu’en 2012 et, contrairement aux idées reçues, sont restés acheteurs nets d’obligations allemandes la même année (5,3 trillions ¥, soit environ 5 Mds €) et sur les premiers mois de l’année 2013. Enfi n, il convient de constater que les montants d’obligations italiennes et espagnoles achetés par les résidents japonais sont beaucoup plus faibles que ceux portant sur les obligations allemandes et françaises.

Les Japonais sont vendeurs nets d’obligations étrangères depuis le début de l’année 2013

Cependant, il n’en est rien pour l’instant car, selon les statistiques hebdomadaires du Ministère des fi nances, les Japonais sont vendeurs nets d’obligations étrangères depuis le début de l’année 2013 dans des proportions rarement observées auparavant. Au vu de l’évolution récente des actions japonaises, ils ont vraisemblablement réalloué certaines de leurs positions étrangères sur les marchés domestiques.

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En tout état de cause, c’est bien plus la spéculation d’achats d’obligations européennes par les Japonais plus que des achats effectifs qui ont exercé une pression baissière sur les taux au mois d’avril. En défi nitive, les annonces de la BoJ de début avril ont eu des effets relativement proches de ceux des OMT de la BCE à l’été 2012 : les taux italiens et espagnols avaient fortement baissé sans que la BCE n’achète la moindre obligation. En ce qui concerne les obligations souveraines européennes, l’effet propre des annonces de la BoJ est, par ailleurs, diffi cile à démêler de celui des OMT. Toutefois, les fl ux japonais seront évidemment à surveiller, notamment pour expliquer l’évolution des taux français, car, suite au comité de politique monétaire du 4 avril, les achats mensuels de titres du Trésor japonais de maturité supérieure à un an par la BoJ passeront à 7,5 trillions ¥, ce qui correspond environ aux trois quarts des émissions mensuelles de l’État japonais : la banque centrale va donc assécher l’offre de papiers domestiques et les investisseurs japonais pourraient logiquement se reporter sur des obligations étrangères. Et en conséquence, l’écart de taux entre la France et l’Allemagne pourrait rester en deçà de sa valeur d’équilibre.

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Bastien Drut , Mai 2013

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