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Qu’est-ce que la Finance structurée ?

Si l’actuelle crise, dite des « subprime », met en lumière, à la fois la complexité de la Finance Structurée ainsi que le besoin de procédures de gestion des risques plus élaborées, force est aussi de constater une certaine mécompréhension de la part de certains décideurs économiques et financiers.

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Il est donc intéressant de se pencher, d’abord sur la notion même de Finance Structurée, puis sur les problématiques spécifiques qui vont de pair. A cet égard, la Finance structurée peut être définie à travers trois caractéristiques. Tout d’abord, elle consiste à sélectionner un certain nombre d’actifs financiers (pooling) donnant lieu à un portefeuille, en général de crédits. Puis, les paiements auxquels ces actifs donnent lieu sont structurés en différentes tranches, ces tranches ayant différentes caractéristiques de risques. La structuration se faisant de telle manière à ce que les différentes tranches conviennent à différents types d’investisseurs. Enfin, le portefeuille d’actifs est intégré à une structure spécifique dénommée Special purpose Vehicle (SPV), cette dernière étant isolée du risque de défaut de l’institution d’origine.

La création d'actifs financiers sur mesure

La motivation derrière cette structuration est double. En ce qui concerne les banques, l’institution d’origine (originator), le but est que le portefeuille de crédit sorte du bilan et réduise d’autant le capital dont les banques doivent se doter dans le cadre de la réglementation Bâle II. Pour les investisseurs, il s’agit de diversifier leurs portefeuilles et d’investir dans des actifs ayant un profil de rendement ajusté aux risques attrayant. Les économistes parlent de complétion du marché, dans le sens où l’on crée des actifs sur mesure qui ne sont pas disponibles tels quels sur ce marché. Comment ces tranches sont-elles constituées ?

Tout d’abord, le rendement des tranches dépend du risque de défaut du portefeuille de crédit. Cependant, les tranches ont une exposition différente à ce risque défaut. Pour faire simple, les tranches peuvent être divisées en trois catégories. La tranche equity/first-loss est censée absorber les pertes liées aux premiers défauts dans le portefeuille. Puis, lorsque les défauts sont supérieur à ce qui devrait être absorbé par la première tranche, les tranches mezzanines absorbes les défauts supérieurs. Enfin, selon le même principe les tranches « monétaires » sont censées isolées contre les risques, sauf circonstances particulières. Les circonstances particulières ont les connaît maintenant... .

L'intervention de différents intervenants complexifie l'analyse

Quels sont les acteurs intervenant dans cette structuration ? Il y a tout d’abord un arranger qui conceptualise la structure, notamment en définissant les tranches et en trouvant les investisseurs. L’institution d’origine quant à elle met à disposition les actifs financiers. Le servicer est chargé de collecter les paiements et d’auditer la performance du portefeuille d’actifs financiers. Le trustee est chargé de vérifier la « compliance » au vu de la documentation spécifique à la structure. Afin d’accroître la notation de certains tranches, les apporteurs de garanties financières (financial guarantors) apportent des garanties à certaines tranches. Enfin, bien sûr, les investisseurs achètent les différentes tranches en fonction de leur aversion au risque. Cet agencement est important car les agences de cotation donnent une cote à chacune des tranches et ceci en prenant en compte le risque des tranches mais aussi l’information concernant les parties tierces en jeu.

Il faut noter que la structuration ainsi que l’ordonnancement des différentes tranches rend l’analyse des risques et des responsabilités beaucoup plus complexe. Il faut notamment vérifier que la documentation définit clairement les responsabilités dans tous les scénarios possibles. Il s’agit notamment de vérifier quel est l’impact d’un défaut d’une des parties en jeu dans la structuration. Puis, il faut analyser les éventuels conflits d’intérêts et connivences entre ces parties. Il ne suffit donc plus d’exclusivement estimer la distribution des pertes du portefeuille.

Attention aux impacts des défauts non prévus

L’impact de la distribution des pertes diffère lui aussi de celui d’un portefeuille de risques standard. Les tranches ont notamment une sensibilité plus ou moins différente à la survenue des défauts non prévus. En ce qui concerne l’impact de la distribution des pertes. Considérons le cas de la tranche monétaire, relativement isolée contre le risque de défaut car elle n’absorbe que les risques extrêmes. Si la distribution des pertes dues aux défauts n’est pas bien estimée, le risque encouru est d’autant plus grand, car cette tranche n’a qu’une probabilité faible d’être touchée par les pertes. Or, de par sa nature les pertes extrêmes sont plus difficiles à évaluer, surtout qu’il faut prendre acte des corrélations entre les risques, de par nature difficiles à évaluer.

Comme déjà mentionné auparavant, les tranches sont cotées par des agences de notation. A ce sujet, quelques précisions s’imposent. La notation se fait en général en fonction de la perte attendue (Expected Loss) et de la probabilité de défaut. Or, pour une probabilité de défaut et une perte attendue données, la distribution des pertes peut être plus ou moins extrême. Il faut alors prendre en compte ce que dans le jargon on appelle les pertes inattendues (Unexpected Loss). Il faut donc être très vigilant lorsque l’on utilisé des ratings des tranches de produits structurés : L’actuelle crise en donne malheureusement un bon exemple.

Certains arguent que l’utilisation de ce type de produits sera plus limitée dans le futur. Cela est relativement improbable, vu le rôle économique de ces produits en terme de complétude des marchés. Cependant, il s’agira de développer des méthodes de valorisation de gestion des risques beaucoup plus élaborées. Ceci permettra aux acteurs financiers de mettre en œuvre un « due diligence » plus appropriée, ce qui rendra d’autant plus confiants dans l’utilisation de ces produits.

Michel Verlaine , Octobre 2007

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