Ne radiez pas les marchés émergents de vos portefeuilles

Les difficultés des marchés émergents ont pris au dépourvu les chefs d’entreprises, les investisseurs et les décideurs politiques. Mais les radier des portefeuilles serait une erreur.

Les chefs d’entreprises, les investisseurs et les décideurs politiques ont été pris au dépourvu par les difficultés des marchés émergents, minés par la fin du super cycle des matières premières, le ralentissement de la croissance en Chine et, récemment, l’anticipation du retrait des mesures monétaires dopantes de la Réserve fédérale. Face à la vente massive sur les marchés en Asie, en Afrique et en Amérique latine durant une bonne partie de l’année 2013, il est tentant de radier les marchés émergents de son portefeuille. Mais ce serait une erreur, les marchés émergents sont mieux placés que jamais pour jouer un rôle clé dans la croissance à long terme de l’économie mondiale. La croissance des marchés émergents des prochaines années sera peut-être plus mesurée par rapport aux taux très élevés observés au cours de la dernière décennie, mais l’évolution vers des économies axées sur la consommation, des marchés financiers locaux plus solides et consolidés et un niveau professionnel plus élevé forment une base plus solide sur laquelle bâtir la croissance et relever les défis économiques.

En Asie, où j’ai passé la plus grande partie de ces 25 dernières années de carrière, les signes de l’émergence d’une classe moyenne montante sont là : de la croissance des cliniques privées aux Philippines à l’expansion des compagnies aériennes et chaînes hôtelières à bas prix en Thaïlande en passant par la construction de parcs d’attractions intérieurs gigantesques en Indonésie. Les personnes qui sont sorties de la pauvreté peuvent désormais mieux prendre soin de leur santé, voyager et se divertir.

Les marchés émergents ne sont pas à la porte d’une crise

Pourtant, les marchés émergents semblent dernièrement être tombés en disgrâce. Les nouvelles sur le ralentissement de la croissance chinoise font grincer des dents les entreprises multinationales, tandis que les alarmistes citent les années 1980 et 1990 au cours desquelles les marchés émergents sont passés de la cime aux abîmes. Les marchés émergents sont d’après eux aux portes d’une crise. Ce n’est absolument pas le cas. Les pays en développement ont parcouru un long chemin et la plupart sont mieux lotis que par le passé. Mais quels sont les changements par rapport aux défauts de paiement généralisés dans les années 1980, à la crise du peso au Mexique en 1994, à l’effondrement des « tigres » du Sud-Est asiatique trois ans plus tard ou au défaut de la Russie en 1998 ? Ces dérèglements avaient clairement pour origine de mauvaises politiques macroéconomiques. Les régimes de taux de change fixes, les déficits des comptes courants et les charges élevées de la dette extérieure étaient des socles instables qui s’effondraient en cas de chocs externes.

Un changement profond par rapport au passé

Aujourd’hui, les régimes de taux de change fixes ont été abandonnés par l’ensemble des dix principales économies émergentes alors que les réserves en devises sont à des niveaux records. La plupart des pays émergents disposent aujourd’hui de régimes de change à flottement contrôlé, dont la stabilité est souvent soutenue par des excédents des comptes courants et, surtout, par des niveaux de dette extérieure beaucoup plus bas qu’il y a quinze ans. Qui plus est, les banques locales financent la croissance en monnaies locales, équilibrant ainsi recettes et dettes. Auparavant, la forte dépendance vis-à-vis du financement en USD créait des disparités entre recettes et dettes, et lorsque les monnaies locales vacillaient les actions s’effondraient.

La gouvernance des banques locales des économies émergentes s’est aussi fortement améliorée, les normes de gestion du crédit et des risques y étant appliquées en toute indépendance. Il s’agit d’un changement radical par rapport aux habitudes du passé, lorsque la plupart des grandes banques étaient gérées par des magnats qui systématiquement s’endettaient pour financer leurs projets favoris à des conditions financières déraisonnables.

Les acheteurs locaux favorisent davantage de stabilité

En outre, les marchés obligataires et actions locaux d’aujourd’hui sont soutenus par des institutions locales plus amples et plus consolidées en raison de l’émergence de fonds d’investissement nationaux prêts à acheter des actifs à des prix réduits lorsque les capitaux spéculatifs étrangers se sauvent. Ces acheteurs locaux spécialisés représentent désormais une part égale ou supérieure de la demande, et apportent ainsi une plus grande stabilité.

De plus, de nombreux pays, tels que l’Indonésie, disposent d’une marge de manœuvre suffisante pour suivre l’exemple chinois et stimuler leur économie au moyen de programmes d’infrastructures massifs qui favorisent la croissance tout en comblant les besoins en matière de routes, de barrages, de centrales électriques et de systèmes de transport.

Et qu’en est-il du ralentissement de la croissance des marchés émergents ?

Un simple calcul met en évidence que les titres des journaux exagèrent la gravité du du ralentissement de la croissance. Un pays dont la croissance est de 10% double sa taille en sept ans environ ; si celle-ci passe ensuite à 7,5%, ce pourcentage inférieur concerne une économie plus grande et ainsi la croissance absolue est nettement supérieure à ce qu’elle était dans le passé. La Chine connaît actuellement cette transition ; il s’agit davantage d’un signe de maturité que de faiblesse.

Enfin, certains critiques considèrent que les marchés émergents n’ont pas profité de l’ère de l’argent facile et des prix très élevés des matières premières, qui arrive désormais à sa fin, pour résoudre leurs problèmes structurels, notamment le rôle excessif de l’Etat dans l’économie et le manque d’infrastructures. Toutefois, les indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale montrent des améliorations depuis 1996, et ces avancées devraient s’accélérer, poussées par le développement de la classe moyenne. Les attentes plus exigeantes d’une population composée d’individus instruits ne pourront pas être satisfaites par les économies qui dépendent de gouvernements inefficaces ou corrompus. Les sociétés civiles vont exiger une meilleure gouvernance, une meilleure reddition de comptes de leurs dirigeants et l’amélioration de l’efficacité de l’Etat. Il ne s’agit pas toujours d’un processus sans accrocs, mais les avancées sont visibles ; le gouvernement mexicain actuel a été élu sur un programme de réformes qui semble progresser.

Les marchés émergents vont jouer un rôle plus important que jamais dans la croissance de l’économie mondiale

Les économies en développement font certes face à des défis. Elles devraient enregistrer des taux de croissance plus faibles en pourcentage mais plus importants en termes absolus, et plus élevés que ceux du monde développé. Elles sont confrontées à des problèmes de gouvernance réels, mais il existe des pressions en faveur de la résolution de ces questions qui, dans certains pays, peuvent s’avérer efficaces. Les prix des matières premières sont bien inférieurs aux pics récents, mais peuvent bénéficier d’une reprise cyclique progressive par rapport aux bas niveaux actuels. Nous ne devons pas réagir de façon excessive aux récentes mauvaises nouvelles en provenance des marchés émergents : ceux-ci vont jouer un rôle plus important que jamais dans la croissance de l’économie mondiale.

Eric Varvel , Septembre 2013

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