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Malik Haddouk : « L’année 2015 devrait être beaucoup plus volatile que 2014, alors que les défis à relever seront en effet plus nombreux »

Selon Malik Haddouk, Directeur de la Gestion Diversifiée chez CPR AM, une fois encore, la réactivité de l’allocation sera déterminante pour traverser les épisodes de volatilité des marchés, à l’image de la fin d’année 2014...

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Comment qualifieriez-vous l’année 2014 ?

Malik Haddouk : 2014 aura été finalement un cru de bonne qualité pour la plupart des actifs risqués. Le MSCI world progresse de plus de 19% sur l’année et les actifs obligataires ont, dans leur ensemble, dégagé des performances élevées notamment sur les maturités supérieures à 10 ans. A titre d’exemple, un investissement sur l’EuroMTS 15 ans et plus (taux de la zone euro sur des maturités supérieures à 15 ans) en 2014 aurait rapporté à l’investisseur une performance de plus de 33%, soit 6 fois la performance de l’indice actions MSCI EMU. 2004 a été une année atypique, dominée par la quête de rendement qui s’est accompagnée d’une prise de risques accrue. En revanche, elle n’a pas été un long fleuve tranquille. Les marchés sont restés bien orientés sur le début d’année et ce, en dépit des inquiétudes quant à la solidité de la croissance américaine (affectée par des conditions climatiques difficiles) mais également des conséquences de la hausse de la TVA au Japon qui ont entraîné une nouvelle fois le pays en récession malgré la mise en place des fameuses trois flèches. L’aversion au risque a fait son retour au second semestre avec des sévères corrections des marchés actions à plus de 3 reprises en l’espace de 6 mois (-10% de baisse), dans un contexte de doute sur le rétablissement économique de la zone euro et de l’exacerbation des tensions géopolitiques en Ukraine, au Moyen-Orient ou encore en Mer de Chine. Tous ces facteurs ont fini par avoir un effet négatif sur la croissance économique mondiale, dont les prévisions ont été constamment revues à la baisse. Les marchés émergents ont, quant à eux, souffert sur les derniers mois de l’année, dans un contexte de chute des prix des matières premières et d’instabilité sur le plan géopolitique. Sur ce point, il convient de dissocier les différentes zones : si le marché brésilien clôture en négatif, la Chine et l’Inde réalisent, quant à elles, une année remarquable. Pour autant, l’accélération de la croissance américaine en fin d’année avec un marché du travail à nouveau dynamique a rassuré les investisseurs sur la robustesse de la reprise économique, du moins aux Etats-Unis. Sans conteste, la communication et les actions des banques centrales sont restées les éléments les plus déterminants de la poursuite de la hausse des marchés actions et, en parallèle de la détente spectaculaire des taux d’Etat, 2014 a été également l’année de l’innovation monétaire pour la BCE, qui a mobilisé la quasi-totalité des outils à sa disposition pour soutenir la relance d’une zone euro embourbée dans un risque de déflation (à savoir taux de refinancement bas, taux de dépôt négatif, opérations de refinancements exceptionnelles TLTRO, achats de covered bonds et ABS). Malgré ces différentes mesures, les investisseurs restent dans l’attente de l’imminence d’un assouplissement quantitatif total à travers l’achat d’obligations souveraines. Ne pas oublier enfin l’action de la BoJ qui a augmenté son programme d’assouplissement quantitatif de plus de 80.000 milliards de yens, entraînant une nouvelle dépréciation marquée de la monnaie nipponne qui a atteint, en fin d’année, la parité de 120 contre le dollar américain, niveau que l’on n’avait plus connu depuis 2007.

Quels ont été les paris les plus marqués dans les fonds CPR Croissance ?

La gestion des fonds CPR Croissance a une nouvelle fois été marquée par une forte réactivité tout au long de l’année. A titre d’exemple, l’exposition actions de CPR Croissance Réactive à varié entre 37% et 80% alors que la sensibilité du portefeuille a évolué entre 0,6 et 4 au cours de la période sous revue. Notre fait d’armes cette année aura été d’avoir très bien traversé une période estivale mouvementée au cours de laquelle l’ensemble de nos fonds a progressé malgré une correction boursière notable.

Alors que nous avons, en début d’année, été affectés par notre sous-sensibilité obligataire et notre forte exposition au marché japonais, nous avons su, au cours de l’été, réduire à néant notre exposition aux actions de la zone euro, fragilisée une nouvelle fois par des anticipations de basculement dans la déflation.

Nous avons alors diversifié les portefeuilles, en prenant notamment des positions marquées sur le marché chinois des actions A (marché local). Complètement délaissé par les investisseurs depuis la crise de 2007-2008, il bénéficiait en effet d’une sous-valorisation notoire par rapport à l’ensemble des marchés développés et émergents, et de plusieurs facteurs de soutien tels que la poursuite des réformes structurelles ou encore l’ouverture du marché des actions locales aux investisseurs à travers la mise en place de quotas de participation. Nous avons, dans le même temps, remonté de manière prononcée la sensibilité de nos portefeuilles, en allongeant nos positions pour favoriser les maturités supérieures à 15 ans. Cette stratégie a été opérée à la fois sur les titres souverains américains et européens, dans un environnement économique mondial toujours fragile, d’atonie de croissance des salaires et de risque grandissant de déflation. Courant octobre, nous avons partagé avec nos stratégistes la forte conviction que la BoJ allait annoncer une seconde vague d’assouplissement quantitatif, poursuivant ainsi l’objectif double de remonter les anticipations d’inflation et de soutenir une croissance économique mise à mal par la remontée de TVA en avril. Pour mémoire, cette dernière avait en effet précipité le retour en récession de l’économie nipponne. Nous avons alors fortement remonté notre exposition aux actions japonaises (couvert contre le risque de change) deux jours avant l’annonce de la BoJ, stratégie payante pour les fonds.

Enfin, autre axe d’investissement marquant, nous avons constitué dès le mois de juin des positions sur le dollar, en anticipation de l’annonce de la fin des achats d’actifs et du retour à une croissance proche du potentiel aux Etats-Unis.

Nous avons progressivement accru notre exposition au vu des rumeurs grandissantes sur la mise en place par la BCE d’un assouplissement quantitatif en zone euro. Nous avons ainsi construit des positions beaucoup plus longues sur le dollar américain pour profiter de ce décalage de cycle (économique et monétaire), à la fois via notre exposition sur le marché actions mais également à travers des positions de change à terme. A noter que toutes ces stratégies ont été implémentées dans les trois fonds CPR Croissance (Prudente 0-40, Réactive et Dynamique) au prorata de leurs budgets de risque respectifs, afin d’assurer la cohérence de la gamme dont la gestion est collective.

A quoi doit-on s’attendre pour 2015 ?

On devrait observer en 2015 une légère accélération de la croissance économique mondiale, portée notamment par la chute des cours du pétrole qui devrait favoriser un peu partout un rebond de la consommation domestique. Pour autant, le rythme de croissance restera inférieur à sa moyenne de long terme à l’échelle mondiale en raison de la baisse tendancielle des perspectives de croissance des grands pays émergents (BRIC) et de la faiblesse de cette dernière en zone euro.

De notre point de vue, l’année 2015 devrait être beaucoup plus volatile que 2014, alors que les défis à relever seront en effet plus nombreux.

Sans être exhaustif, nous pouvons citer le retour espéré de la confiance dans la zone euro avec, en corollaire, la poursuite des réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité des économies de la région, la normalisation sans accroc de la politique monétaire de la Banque centrale américaine, la réussite des nouveaux plans de relance au Japon ou encore la stabilisation de la croissance chinoise, indispensable pour éviter des tensions sociales… A plus court terme, les inquiétudes se focalisent en ce début d’année sur la faiblesse de l’inflation et des salaires malgré les politiques monétaires expansionnistes menées depuis 2008.

Dans ce contexte , quelle stratégie d’allocation adopter sur l’année 2015 ?

Les investisseurs devront être en mesure de négocier des virages clefs et ce, dès le début d’année, alors que les attentes sont fortes quant à l’annonce imminente d’un Quantitative Easing européen. Après plusieurs coups de semonce sur les actions européennes depuis l’été, le regain de volatilité pourrait être notable si la BCE décevait les investisseurs alors même que la situation politique grecque ravive d’anciennes craintes. L’autre grand tournant de l’année sera le relèvement de taux de la FED actant la vigueur de l’économie américaine, et surtout son appréhension par les marchés. Le décalage de cycle entre zone euro et Etats-Unis devrait, de facto, prolonger le mouvement d’appréciation de la devise américaine face à l’euro.

Si la communication des autorités monétaires restera prudente afin d’éviter un mouvement de taux trop brutal, un choc à l’image du printemps 2013 ne peut être exclu pour autant. Dans un tel scénario, l’impact serait marqué sur des émergents qui souffrent, d’ores et déjà, de l’effondrement des prix des matières premières et de la faible croissance européenne. Les yeux seront également rivés sur le Japon. Alors que la politique très volontariste du gouvernement devrait s’avérer davantage pro-bénéfices que pro-PIB, elle devrait continuer de porter les actions. Toutefois, à l’image de la situation en Europe, le choc sera à la hauteur des espérances si les résultats déçoivent les investisseurs. Enfin, la liquidité du crédit restera évidemment un facteur clef sur le marché américain comme en Europe où les rendements sont à des points bas. Dans ce contexte, nous privilégions aujourd’hui les actions aux obligations compte tenu des niveaux de valorisation et du mouvement de remontée des taux qui devrait s’amorcer outre-Atlantique.

Nous maintenons une large part de notre exposition actions sur le marché américain, plus robuste et bénéficiant de la hausse du dollar à l’heure actuelle, et sur le Japon qui, à nos yeux, représente la meilleure opportunité d’investissement.

Les politiques mises en oeuvre en zone euro devraient néanmoins porter leurs fruits et nous pousseraient à réallouer, graduellement pour éviter les « faux rebonds », au profit de cette dernière. Sur la composante obligataire, nous concentrons à court terme l’exposition sur les maturités longues (> 10 ans) qui devraient bénéficier de l’effet Quantitative Easing et de la faiblesse de l’inflation. Nous assisterons, au cours de l’année, à des corrections plus prolongées des marchés pour finir sur une progression de l’ordre de 5% à 8%. Une fois encore, la réactivité de l’allocation sera déterminante pour traverser les épisodes de volatilité des marchés, à l’image de la fin d’année 2014.

Next Finance , Mars 2015

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