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Les marchés financiers tentés par "la fascination du pire"

Les marchés financiers perdent leurs repères. Ils oublient les fondamentaux et craignent le pire depuis le premier relèvement des taux d’intérêt directeurs de la Banque centrale américaine en décembre dernier. Que va décider la Fed ?

Les marchés financiers perdent leurs repères. Ils oublient les fondamentaux et craignent le pire depuis le premier relèvement des taux d’intérêt directeurs de la Banque centrale américaine en décembre dernier. Que va décider la Fed ? Plus elle repousse la nécessaire normalisation monétaire, plus elle s’empêche de disposer de marges de manœuvre au moment où le cycle se retournera...
Stéphanie Villers, Chef économiste d’Humanis, revient sur les récentes turbulences boursières pour en analyser les raisons et les conséquences.

L’année 2016 commence mal : la nervosité règne sur les indices boursiers. Les Etats-Unis ont pourtant été les seuls à stopper leur assouplissement monétaire. Ils ont en effet décidé d’arrêter leur politique ultra-accommodante fin 2014. A contrario, la Banque Centrale européenne a rapidement pris le relais en injectant chaque mois 60 milliards d’euros dans la sphère financière. Les Japonais et les Britanniques continuent de même sur leur lancée et octroient massivement des capitaux sur leurs marchés locaux. Mais, rien n’y fait, la dose semble ne plus être assez forte. Sous perfusion depuis 2008, les marchés financiers en réclament toujours davantage. Ils se déconnectent de la sphère réelle et anticipent des lendemains qui pleurent.

Les choses ne vont pourtant pas si mal sur le front macro-économique. Les Etats-Unis semblent filer bon train. La zone euro, de son côté, se réveille doucement. Restent les pays émergents, en particulier les producteurs de pétrole qui se prennent de plein fouet la chute du prix du pétrole.

La Federal Reserve et la fin « des paradis artificiels »

La Banque centrale américaine qui s’était montrée jusqu’alors plutôt confiante en l’économie américaine, porte désormais ses craintes sur les turbulences internationales. Elle se retrouve en ce début d’année contrainte par une croissance mondiale dégradée. Le FMI a revu récemment ses prévisions de croissance mondiale en baisse à 3,4% compte tenu des désordres économiques qui se propagent dans les zones émergentes. Pourtant, l’économie américaine semble encore robuste. En 2015, elle a su faire face sans encombre à la salve de facteurs déstabilisants avec le ralentissement chinois, la baisse du prix du pétrole et l’appréciation du dollar.

Ces freins persistent encore aujourd’hui. Alors, la banque centrale américaine qui avait lancé fin 2015 une première hausse de ses taux directeurs, se retrouve coincée dans son processus de normalisation monétaire. Face à la montée des risques, la Fed perd ses repères et est tentée de repousser une nouvelle fois son plan de resserrement monétaire dans un environnement boursier chahuté.

Les Cassandres prennent le dessus

Dans ce contexte, les cassandres prennent le dessus. Nombreux sont ceux qui attisent les craintes et misent sur le scénario du pire. L’économie chinoise pourrait se retourner brutalement et sombrer en récession. De même, la guerre des prix menée par l’Arabie Saoudite pour asphyxier le secteur pétrolier américain pourrait porter ses fruits. Il est vrai qu’au dernier trimestre 2015, la chute des prix du pétrole a durement frappé les entreprises d’extraction de pétrole de schiste faisant chuter leurs investissements dans les infrastructures industrielles de près de 39%.

Mais, ce sont surtout les pays producteurs émergents qui pourraient être durablement mis à mal et entraîner un risque de récession sur l’ensemble de la zone émergente, qui représente 70% de la croissance mondiale.

En outre, l’appréciation du dollar a pesé sur le commerce extérieur, les exportations américaines ont reculé de 2,5% et le solde commercial a retiré 0,47 point de croissance sur le dernier trimestre 2015.

Que va décider la FED en 2016 ?

Plus la Federal Reserve repousse la nécessaire normalisation monétaire, plus elle s’empêche de disposer de marges de manœuvre au moment où le cycle se retournera. La croissance est au rendez-vous aux Etats-Unis depuis 2009. L’année prochaine, le risque d’essoufflement de l’économie sera plus prégnant. Au moment du retournement de cycle, la banque centrale américaine devra alors soutenir l’économie en abaissant le loyer de l’argent pour stimuler l’activité. Mais, il ne lui reste que 2016 pour procéder à ses hausses de taux d’intérêt.

Aujourd’hui, elle est prise en étau entre une conjoncture mondiale dégradée, des marchés financiers qui achètent le scénario du pire et une économie américaine qui continue de créer des emplois et qui devrait encore cette année enregistrer 2,5% de croissance.

En effet, le secteur des services qui représente plus de 80% du PIB va pouvoir compenser les déséquilibres du secteur industriel. La révolution technologique enclenchée offre un potentiel de développement et de débouchés encore inexploités.

Excès de frilosité des marchés

On connaît l’impact de la conjoncture macro-économique sur les marchés boursiers, mais n’oublions pas la relation inverse. Si les marchés financiers continuent de décrocher, le moral des ménages et des entreprises pourrait être durablement impacté avec un effet de richesse négatif sur leur patrimoine.

Ainsi alors que l’inflation américaine hors prix de l’énergie connaît une accélération à 2,1% en décembre et que le taux de chômage continue de s’approcher du plein emploi, la Federal Reserve va sûrement préférer dans un premier temps apaiser les marchés financiers en reportant sa prochaine hausse de taux directeurs. Mais, dans ce calcul qui vise à répondre à une frilosité excessive des marchés financiers, elle se tire une balle dans le pied et s’empêche de disposer de marges de manœuvre pour 2017 au moment où la situation économique décélèrera.

Reste une lueur d’espoir à court terme avec une nouvelle action attendue de la Banque Centrale Européenne pour soutenir les marchés boursiers. Si cette dernière élargit massivement son programme d’assouplissement alors peut-être les bourses reprendront le chemin de la sérénité. Mais, ce ne sera que « reculer pour mieux sauter ».

Les marchés ne savent plus vivre sans ces perfusions artificielles. Pour l’instant, aucun antidote n’a été trouvé pour empêcher un risque d’éclatement du système financier lorsque les banques centrales arrêteront de soutenir artificiellement les marchés financiers.

Stéphanie Villers , Février 2016

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