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Les actions chinoises rattrapées par la réalité

Les investisseurs qui restent focalisés sur la Grèce manquent une chose bien plus importante : l’effondrement potentiel du marché d’actions chinois représentant 8 000 milliards de dollars, avertit Lukas Daalder, responsable de l’allocation d’actifs chez Robeco.

• Les actions de la Chine continentale perdent un tiers de leur valeur en l’espace de trois semaines
• Le rallye avait été alimenté par des particuliers peu expérimentés
• Le gouvernement est intervenu avant que les choses ne tournent mal

Après avoir profité d’un marché haussier pendant 18 mois, les actions chinoises ont perdu un tiers de leur valeur en trois semaines, depuis la mi-juin. Cette fois, le problème majeur vient du fait que le rallye a été alimenté par des millions de simples citoyens chinois qui ont ouvert des comptes de trading en actions dans le but de gagner de l’argent facilement, sans nécessairement avoir accès à des conseils en investissement.

Alors que la question du Grexit fait la Une de l’actualité, le marché actions chinois est 34 fois supérieur au PIB de la Grèce et représente 23 fois la taille de la fameuse dette publique du pays, même après la récente correction des cours.

« La chute brutale des valeurs laisse craindre une répétition du krach de 2008. Il est cependant probable que les autorités chinoises assurent une certaine protection puisqu’elles sont déjà intervenues en prenant des mesures supplémentaires pour accroître la liquidité pendant le week-end », déclare Lukas Daalder.

Selon lui, la soudaine baisse enregistrée sur ce marché ne devrait pas être une surprise étant donné que les valorisations s’étaient fortement écartées des bénéfices sous-jacents. Bien que l’on assiste actuellement à une dislocation entre les deux, la croissance chinoise réelle reste solide.

D’après Lukas Daalder, les arguments pour expliquer ce fort rallye étaient nombreux : les réformes économiques, les abaissements de taux, les faibles valorisations (du moins au début) et un transfert des capitaux spéculatifs du secteur immobilier en direction des actions. « La raison qui manque pourtant à tout cela, c’est le rôle de l’économie sous-jacente et dans quelle mesure ce rallye a été basé sur les fondamentaux. »

La Chine continentale dispose de deux marchés actions, le plus grand étant le ‘Shanghai Composite’ et son voisin, le ‘Shenzhen Composite’. Ensemble, ces deux indices représentent actuellement une capitalisation boursière de 8 500 milliards de dollars, ce qui fait du marché chinois total le plus grand du monde après les États-Unis.

Les parts A locales « mènent leur vie »

Une caractéristique spécifique du marché chinois est qu’une partie des négociations est réservée aux citoyens chinois (les actions A). En conséquence, ces marchés ont tendance à « mener leur vie » et ils présentent une corrélation limitée avec, par exemple, le MSCI China, le Hong Kong Hang Seng ou le MSCI World.

Selon Lukas Daalder, cela est nettement visible si l’on examine l’évolution des prix de ces deux places boursières au cours des 18 derniers mois. Depuis le début de 2014, l’indice Shenzhen a progressé de près de 200 %, l’indice Shanghai a connu un rallye de 146 % tandis que le MSCI China a affiché une hausse de seulement 35 % sur cette période.

En conséquence, la capitalisation boursière de la Chine continentale a franchi la barre des 10 000 milliards de dollars à la fin du mois de mai. Cela signifie qu’il s’agit de la plus importante hausse absolue de capitalisation de marché jamais enregistrée sur 18 mois, dépassant même la croissance euphorique du Nasdaq entre 1998 et 2000.

Le rallye s’est poursuivi jusqu’à la mi-juin, après quoi le repli s’est amorcé. Il a suffi de 14 jours de négociations au marché pour se retrouver en territoire baissier (une chute d’au moins 20 %), ce qui est probablement un record supplémentaire pour une importante place boursière.

Le lien avec la production ne se fait plus

D’après Lukas Daalder, le marché s’est écarté des niveaux de cours reflétant l’activité économique sous-jacente créant ainsi des bulles sur certains segments du marché. C’est en effet ce que l’on peut remarquer en examinant la relation entre l’indice Shanghai Composite et l’indice PMI des directeurs d’achat qui mesure la confiance des producteurs et qui est considéré comme l’un des indicateurs les plus fiables en matière d’activité économique.

Attention à l’écart : il y a un décalage entre la hausse des cours et l’économie

Dans ce cas, pourquoi les actions chinoises ont-elles progressé aussi longtemps ?

Selon Lukas Daalder, ceci est en partie lié au fait que les acteurs du marché s’attendaient à ce que les autorités chinoises commencent à baisser les taux d’emprunt pour stimuler à nouveau l’économie. Cette prévision s’est vérifiée, les divers taux ayant été régulièrement abaissés au cours des derniers mois. Toutefois, la dernière baisse opérée à la fin du mois de juin n’a pas inspiré le marché boursier.

Le véritable moteur a été le regain d’intérêt spectaculaire des investisseurs privés chinois. Rien qu’en avril et en mai, 14 millions de comptes ont été ouverts, permettant aux clients particuliers de commencer à négocier des actions A locales. Fait important, un grand nombre de ces nouveaux investisseurs ont financé leurs achats en empruntant de l’argent, ce qui s’est traduit par une forte hausse des services de prêts tant officiels que moins officiels. Le fait qu’une grande partie de ces nouveaux arrivants manquent d’expérience du marché est un dernier élément clé. C’est un exemple classique d’instinct grégaire.

« Un grand nombre de ces nouveaux investisseurs ont financé leurs achats en empruntant de l’argent. »

L’éclatement d’une bulle reste douloureux

Lukas Daalder avertit que l’issue peut être très fâcheuse pour ces novices de l’investissement. Un marché boursier qui progresse fortement en s’écartant des fondamentaux, soutenu par des investisseurs n’ayant probablement pas conscience des risques et qui se financent en s’endettant sont autant d’éléments montrant l’existence d’une bulle. Et il s’agit là d’une bulle en plein éclatement à en juger par la vague de ventes à laquelle nous avons assisté ces trois dernières semaines.

Comme nous l’avons appris au cours des dernières décennies, l’éclatement d’une bulle est un événement douloureux. La destruction de la richesse, le poids de la dette et les faillites sont autant de freins à la croissance économique. Bien que cet événement soit local, il s’agit toutefois de la deuxième plus grande économie du monde.

Selon Lukas Daalder, il est néanmoins assez probable que les autorités chinoises interviennent pour éviter que la situation ne devienne incontrôlable, à l’image de l’injection de liquidités du week-end permettant aux courtiers un financement de marge.

Étant donné les répercussions négatives sur l’ensemble de l’économie chinoise, nous prévoyons que les autorités conservent autant que possible une attitude interventionniste. Cela ne veut pas dire qu’elles viseront à ramener le marché boursier aux niveaux enregistrés à la mi-juin, mais qu’il est clairement dans leur intérêt de réduire la volatilité actuellement présente sur le marché.

Lukas Daalder , Juillet 2015

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