L’impact des composantes de l’aversion au risque sur les performances des hedge funds

Les changements dans les niveaux des composantes de l’aversion au risque ont une importance significative sur les performances des stratégies à biais long actions, d’Event Driven et d’arbitrage. A l’inverse, ces variations n’influent que très peu sur les performances des CTAs et des fonds Global Macro.

Dans un focus précédent (cf. Alpha Report n°16 du 02/05/2011), nous montrions que les différents styles de hedge funds affichent des niveaux de performance différents en fonction du régime de marché, i.e. en fonction du niveau d’aversion au risque. Ainsi, si les stratégies Long/Short Equity, Emerging Markets et Event Driven offrent les meilleures performances dans un environnement de faible aversion au risque, elles sont significativement affectées dès lors que l’environnement de marché bascule en « régime de crise ». A l’inverse, les CTAs et les fonds Global Macro tendent à offrir, en moyenne, un niveau de performance croissant avec le niveau d’aversion au risque, jouant ainsi le rôle « d’amortisseur » dans les portefeuilles alternatifs comme traditionnels (actions notamment). Les stratégies d’arbitrage se positionnent entre ces deux extrêmes : leur performance ne montre pas de sensibilité significative au niveau d’aversion au risque, à l’exception des périodes de « crise systémique » (type Q4 2008) durant lesquelles les épisodes de contraction de la liquidité deviennent un facteur de risque prédominant (via le lien liquidité-levier).

Dans ce même focus, nous montrions que toutes les stratégies de hedge funds sont négativement affectées par de fortes hausses du niveau d’aversion au risque, indépendamment du régime de risque qui caractérise le marché (croissance, crise ou crise systémique). Sur ce point, toutes les stratégies semblent être affectées de la même manière par un changement significatif de l’environnement de marché. Notre objectif est ici d’approfondir cette dernière analyse, en étudiant la sensibilité des différents styles d’investissement non pas aux variations du niveau d’aversion au risque, mais aux variations des composantes de l’aversion au risque.

Méthode

Nous nous concentrons sur l’analyse des sensibilités des performances (glissantes 21 jours) des indices HFRX aux variations standardisées des différentes composantes de l’aversion au risque (de manière à pouvoir comparer l’importante relative des différentes composantes). La période considérée est l’année 2011, particulièrement intéressante pour plusieurs raisons :
- régime de marché entre croissance (1er semestre), crise (2nd semestre) et crise systémique (fin septembre - début octobre), graphique 1 ;
- les différentes composantes de l’aversion au risque (volatilités implicites actions, volatilités implicites FX, corrélation cross-assets, TED spread et spreads high yield) ont connu des trajectoires différentes (graphique 2) ;
- les variations de ces composantes n’ont été que très peu corrélées entre elles sur cette période (graphique 3, tableau 1).

Résultats

Les changements dans les niveaux des composantes de l’aversion au risque ont une importance significative sur les performances des stratégies à biais long actions, d’Event Driven et d’arbitrage (graphique 4). A l’inverse, ces variations n’influent que très peu sur les performances des CTAs et des fonds Global Macro.

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Le signe des sensibilités estimées (tableau 2) indique le sens de l’impact d’une variation du niveau d’aversion au risque sur la performance des hedge funds. De ce point de vue, les résultats sont explicits et confirment les résultats obtenus précédemment : globalement, les hedge funds sont affectés négativement par les augmentations des niveaux de risque des différentes composantes, Long/Short Equity et stratégies d’Event Driven en tête (graphique 5). Cela s’explique notamment par les expositions significatives et structurellement positives de ces stratégies d’investissement à des classes d’actifs elles-mêmes explicitement affectées par une augmentation du niveau d’aversion au risque (actions et dette high yield notamment).

Les variations du niveau de corrélation cross-assets et celles des des spreads high yield ressortent comme les deux composantes ayant eu le plus d’impact sur les performances des différentes stratégies en 2011, à l’exception de la stratégie Merger Arbitrage, qui a également été significativement pénalisée par les hausses du niveau d’aversion au risque liées à la volatilité actions. Seule exception, les performances des CTAs semblent avoir été impactées positivement par les hausses de la volatilité actions et des spreads high yield. Ce résultat est cependant à nuancer, de par le faible pourvoir explicatif du modèle sur cette stratégie (34%).

Comment interpréter ces résultats ?

Au-delà d’une simple relation de cause à effet, la sensibilité des trois groupes de stratégies (biais long actions/Event Driven ; arbitrage et systématique/discrétionnaire, tableau 2) aux variations des différentes composantes de l’aversion au risque traduit en fait des effets plus complexes, que nous illustrons autour de trois exemples.

Dans le cas des fonds Long/Short Equity l’analyse des structures de risque de fonds individuels [1] met en avant une latence importante dans le temps d’adaptation des stratégies d’investissement à l’environnement de marché. Entre les mois de juillet et septembre durant lesquels le niveau d’aversion au risque a littéralement explosé (graphique 2), le niveau d’exposition moyen des fonds Long/Short Equity est resté relativement stable (graphique 6). Ce n’est qu’à partir du mois d’octobre que les gérants ont réduit leur niveau d’exposition nette. Cette inertie implique directement une corrélation négative entre les performances de cette stratégie et les variations importantes du niveau d’aversion au risque, durant lesquelles les performances des marchés actions sont les plus volatiles (à la hausse comme à la baisse).

Pour les gérants Equity Market Neutral, nous observons une corrélation positive entre l’évolution du niveau d’aversion au risque et celle de leur exposition au risque de marché (graphique 7). Loin de traduire une mauvaise orientation stratégique entre les mois de juillet et septembre, la synchronicité entre le niveau d’exposition aux risques de marché et le niveau d’aversion au risque traduit la sensibilité significative des stratégies Equity Market Neutral - et plus globalement des stratégies d’arbitrage - aux risques de second ordre, comme une forte contraction de la liquidité ou le renforcement des structures de corrélation. La sensibilité à ces risques est proportionnellement liée au niveau de levier utilisé.

A l’inverse, l’évolution du niveau d’exposition des CTAs montre un comportement « contracyclique » vis-à-vis du niveau d’aversion au risque. en d’autres termes, les gérants systématiques montrent une réactivité bien plus importante que les gérants Long/Short Equity aux changements de l’environnement de marché. Si cette réactivité est source de market timing, elle peut cependant être très pénalisante lorsque l’évolution du niveau d’aversion au risque est très erratique (hausses et baisses enchainées).

Guillaume Monarcha , Février 2012

Notes

[1] Long/Short Equity : Malgré une performance mensuelle moyenne de -0,4%, près de 60% des fonds Long/Short Equity affichent une performance négative. La stratégie affichait ainsi un drawdown de 11,2% au 31/12/2011, drawdown amorcé en mai. Malgré un biais actions significatif, le principal moteur de contre-performance que nous identifions est un alpha négatif. C’est également le facteur qui différencie les meilleurs des moins bons gérants sur le mois de décembre, ces derniers montrant également un market timing négatif. Les expositions aux risques de marché sont restées stables sur le mois (nette autour de 50% et brute autour de 80%), ainsi que le niveau de VaR moyen de la stratégie (-6% à 95%, horizon 1 mois).

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