L’extension du passeport AIFM aux gestionnaires de pays tiers : vers une ouverture du marché européen de la gestion d’actifs ?

Réservé aux acteurs européens, le passeport AIFM introduit en 2013 permet aux sociétés de gestion appliquant intégralement la directive AIFM de commercialiser leurs fonds et d‘étendre leurs activités librement dans l’Union européenne...

Réservé aux acteurs européens, le passeport AIFM introduit en 2013 permet aux sociétés de gestion appliquant intégralement la directive AIFM de commercialiser leurs fonds et d‘étendre leurs activités librement dans l’Union européenne. Une ouverture de ce passeport au profit de sociétés de gestion de pays tiers (hors UE) leur permettrait d’accéder au marché européen de la gestion d’actifs, ce qui n’est pas sans risque pour les acteurs français et européens.

Aujourd’hui, pour accéder au marché européen, les sociétés de gestion situées hors de l’Union Européenne doivent se conformer aux régimes disparates de placement privé de chaque Etat-membre dans lequel elles souhaitent s’implanter. L’extension envisagée du passeport devrait faciliter leurs démarches puisque les autorisations devraient être obtenues auprès d’une seule autorité régulatrice dite de « référence ».

Le 30 juillet dernier, l’ESMA s’est exprimée sur cette possible extension du passeport. Elle a émis un avis favorable au profit de Guernesey, Jersey et de la Suisse, tandis qu’elle a réservé son appréciation pour les Etats-Unis, Singapour et Hong Kong.

Pour émettre son avis, le régulateur a privilégié une évaluation par pays plutôt qu’une appréciation globale. La sélection des premiers pays a été réalisée selon des critères objectifs tels que : le flux d’activités entre ces pays et l’Union Européenne, l’expérience de coopération des régulateurs nationaux des Etats-membres avec leurs homologues de ces pays. Pour fonder son avis sur ces pays, l’ESMA a analysé les problématiques réglementaires relatives à la protection de l’investisseur, à l’intégrité du marché, aux obstacles à la concurrence et à la supervision du risque systémique dans les pays tiers.

Aux termes de cet avis, Jersey, Guernesey et la Suisse ne présenteraient pas d’obstacles significatifs à l’extension du passeport AIFM.

Force est de constater que les seuls pays bénéficiant pour l’instant de l’avis favorable de l’ESMA sont ceux qui disposent déjà d’un cadre juridique similaire voire équivalent au cadre européen. Ce qui ne permet pas à ce stade de dégager clairement les conditions de réciprocité requises. Par ailleurs, les thématiques qui influencent fortement la concurrence entre les pays telle que la fiscalité n’ont pas été prises en considération lors de l’analyse.

Aussi, le risque d’ouvrir l’accès au marché européen à des gestionnaires étrangers sans que les gestionnaires européens puissent avoir des conditions équivalentes sur ces marchés étrangers est bel et bien réel.

La tâche de l’ESMA n’est pas aisée car elle doit se prononcer sur l’extension du dispositif intra-européen pour lequel elle n’a pas assez de recul et qui est loin d’être dénué de dysfonctionnements.

Lors de son opinion sur le fonctionnement du passeport européen et des régimes de placement privé, l’ESMA a pointé du doigt l’absence d’homogénéité sur les frais d’enregistrement et sur la notion d’actes de commercialisation dans les différents Etats-membres. Tant que ces dysfonctionnements ne seront pas résolus, une extension du passeport en l’état aux pays tiers présentera des risques en termes de forum shopping et donc une distorsion de concurrence.

Il ne reste qu’à souhaiter avant la date butoir de 2018, date à partir de laquelle le passeport pays tiers deviendrait le seul mécanisme de commercialisation applicable, que les lacunes du dispositif européen soient définitivement comblées.

Jérémie DUHAMEL , Septembre 2015

tags
Partager
Envoyer par courriel Email
Viadeo Viadeo

Focus

Réglementation Remplacement des taux Euribor / Libor : Quelles conséquences pour les emprunteurs/prêteurs et les produits dérivés de taux d’intérêts ?

L’abolition de la publication du LIBOR était prévue pour 2020, mais la réforme a été repoussée à fin 2021 face au manque de préparation du système financier international.

© Next Finance 2006 - 2024 - Tous droits réservés