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L’Euro survivra In fine !

Nous ne croyons pas ou en tout cas plus aux scénarios d’implosion de la zone euro quelles qu’en soient les modalités. Non pas parce-que l’on serait en train de trouver une ou des solutions pérennes à la crise des dettes souveraines mais parce-que un tel processus couterait trop cher à tout le monde pour différentes raisons

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Ceux qui parient désormais sur la fin de l’euro (et ils sont de plus en plus nombreux ; pour ma part, je l’ai envisagé dans de nombreux papiers il y a plusieurs mois mais ne l’envisage plus) font le parallèle avec la situation d’explosion du SME en 1992-1993. Il est vrai qu’intellectuellement la comparaison est tentante

- Il y a 20 ans, il était devenu insoutenable de faire vivre dans le même système monétaire la lutte contre l’inflation allemande née de la réunification allemande de 1990 (nécessitant des taux directeurs élevés) et la lutte contre le chômage des économies française et de celle des pays d’Europe du Sud (avec des remontées de taux directeurs par les banques centrales de ces pays pour que leurs monnaies nationales ne décrochent pas vis-à-vis du mark)

- Aujourd’hui, il semble impossible de faire coexister dans la même union monétaire le modèle de spécialisation économique industrielle des pays d’Europe du Nord et celui d’Europe du Sud (France comprise) basé sur les services souvent non exportables. Ce qui revient à constater que les pays du « Nord » ne font qu’accroître leurs excédents extérieurs et les pays du « Sud » leurs déficits. Et comme il n’y a pas d’union budgétaire de type fédéral qui permettrait d’institutionnaliser des transferts fiscaux du Nord vers le Sud, alors la zone Euro serait condamnée

En zone Euro, nous allons donc nous diriger vers une sorte de monétisation indirecte contrainte mais néanmoins massive de la BCE malgré l’hostilité de la Bundesbank, du Bundestag et du gouvernement fédéral allemand.
Mory Doré

Oui mais voilà, nous ne sommes pas dans l’environnement économique et financier de 1992 et l’importance des engagements financiers intra-européens est aujourd’hui sans commune mesure avec la situation du début des années 1990

- Tout d’abord, les pays très endettés du sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) qui sortiraient de la zone et reviendraient à leurs monnaies nationales de l’euro seraient contraints de faire défaut sur les dettes publiques et privées détenues par les non résidents des autres états de l’Union compte tenu du surcoût (chute des nouvelles monnaies contre euro) de la dette extérieure libellée en euro

- A l’opposé, si des pays tels que l’Allemagne disposant d’actifs extérieurs importants dans les pays du sud sortaient de la zone, ils devraient alors faire face à des violentes dépréciations d’actifs en euro compte tenu de la chute de le monnaie européenne contre un nouveau mark allemand. Les banques allemandes déjà en insuffisance de capitaux propres ne s’en remettraient pas.

On a vu que :

  • on n’anticipait plus une sortie de la zone Euro de pays fragiles (coûts économique, social et politique insupportables pour ces pays)
  • On n’anticipe pas non plus une sortie unilatérale de l’Allemagne (coût macroéconomique considérable avec une perte de compétitivité importante et coût financier élevé au regard des engagements des banques allemandes sur les pays périphériques de la zone Euro)
  • On n’anticipe pas de mise en place d’une zone Euro à deux vitesses sur des considérations économiques : zone Nord budgétairement vertueuse et zone Sud cherchant à rattraper ses handicaps de compétitivité. Ce serait pour le coup la fin de l’Europe puisque cela reviendrait à séparer les 6 fondateurs de l’Europe : l’Allemagne et le Bénélux d’une part ; la France et l’Italie d’autre part)
  • Enfin il est aujourd’hui irréaliste d’anticiper la mise en place d’une véritable union politique avec fédéralisme fiscal et donc transferts budgétaires systématiques des plus riches vers les plus pauvres. Cette solution ne sera jamais recevable Outre Rhin

Alors reste-t-il ? Eh bien, la survie de l’euro. Mais alors comment la zone euro survivra-t-elle et à quoi ressemblera-t-elle ?

C’est un lieu commun que de dire que le meilleur moyen de conjurer la crise de la dette est de retrouver des sentiers de forte croissance ; mais une forte croissance est impossible puisque le financement de l’économie est mal assuré, puisque les systèmes bancaires doivent se resolvabiliser et nombre d’agents économiques se désendetter.

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Et puis en Europe, mais pas qu’en Europe, tant que l’horizon de décisions économiques des hommes politiques sera confondu avec l’horizon du cycle électoral, toutes les grandes réformes de structure dont on nous parle par exemple en France depuis 20 ans (état, fiscalité …) ne verront jamais le jour ; or ce sont celles-ci qui sont à même de créer les conditions d’une croissance forte et durable

En attendant, il faut pouvoir mobiliser des ressources pour réduire et financer cet insoutenable endettement. On est bien d’accord que ceci n’est pas choquant s’il s’agit de venir au secours d’un état en crise de liquidité (cas de l’Italie, de l’Espagne et de l’Irlande) ; mais que cela est plus contestable et plus inefficace s’il s’agit de plans de sauvetage de pays en crise de solvabilité (comme la Grèce et, dans une moindre mesure, le Portugal). Mais tout ceci est un autre débat sur lequel il faudra que les dirigeants politiques se penchent après la mise en place des dispositifs d’urgence et non conventionnels. La question sera alors de savoir comment l’on peut resolvabiliser durablement certaines économies de la zone ?

Revenons à notre sujet. Il existe 3 façons de mobiliser des ressources :

1/ Il y a tout d’abord les ressources empruntées par le FESF, qui dispose de garanties apportées par les états membres de la zone euro. Ces ressources étant empruntées sur les marchés, elles sont donc limitées et ne se constitueront que très progressivement puisque ce fonds va procéder périodiquement à des émissions sur les marchés avec une plus ou moins grande facilité suivant l’environnement. Et de toute façon, ce type de ressources n’est pas du tout approprié pour le refinancement des encours importants de certaines dettes nationales (Italie et Espagne notamment)

2/ Il y a aussi les ressources crées à partir de rien et que seule la banque centrale peut émettre. Il s’agirait ici de la création monétaire destinée à acheter des dettes publiques (on appelle cela suivant les époques et les milieux la planche à billets, la monétisation ou le QE pour quantitative easing). Contrairement aux ressources empruntées, il n’y a pas de limite technique à la création monétaire puisque la banque centrale émet une dette sur elle-même. La seule limite est financière car la création monétaire incontrôlée au passif de la banque centrale est l’accumulation d’actifs financiers de plus ou moins bonne qualité à l’actif du bilan de la banque centrale peuvent provoquer à terme une forte dévalorisation de la monnaie.

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Mais ceci n’effraie personne pour l’instant et, sans trop se poser de questions, nombre d’hommes politiques et d’économistes ne jurent du matin au soir et du soir au matin que par cette solution de monétisation à outrance : que la BCE imprime de la monnaie et qu’avec elle achète aux banques et assureurs tous les papiers d’état européens dont ils ne veulent plus dans leur bilan. Encore que j’ai vu les marchés financiers brutalement paniquer lors de la séance du 28/12 parce-que ils venaient de découvrir que le bilan de la BCE avait atteint une taille historiquement la plus élevée.

La belle affaire, voilà maintenant plus de 3 ans que les bilans des banques centrales battent record sur record en termes de taille de bilan. Plusieurs manifestations de ce phénomène :

  • quantitative easing façon FED ou BOE qui consiste à créer de la monnaie à partir de rien pour acheter des dettes toxiques bancaires comme souveraines ;
  • Long term refinancing operations de la BCE consistant à prêter au travers d’appels d’offres extraordinaires aux banques (Cf les 489 milliards d’euros de l’appel d’offres à 3 ans du 21/12/2011)

En tout cas, pour l’heure, la BCE refuse catégoriquement de jouer ce rôle. Et Mario Draghi, a réaffirmé que les rachats de dettes périphériques devaient être temporaires et limités et qu’ils devaient être systématiquement stérilisés.

3/ Entre les ressources empruntées sur les marchés et les ressources issues de la création monétaire d’une banque centrale, il y a les ressources monétaires telles que celles du FMI assises sur les fameux DTS pour droits de tirage spéciaux. Il faut savoir que chaque pays dispose au FMI en fonction de son poids économique de DTS. Ces droits ont été crées en 1969 pour jouer un rôle de réserves de change additionnelles pour les états. Ainsi l’Allemagne dispose de 13 Mds de DTS, la France de 10.7 Mds et pour l’ensemble de la zone Euro, ce montant s’élève à 50.4 Mds de DTS (soit avec une parité aujourd’hui autour de 1.15 € pour 1 DTS, un total de 58 Mds €). Il existe une règle qui fixe à 10 fois les quotas la limite de financement, cela signifie que l’ensemble de la zone Euro a théoriquement la capacité de lever jusqu’à 580 Mds €. Donc quand vous entendez sur telle ou telle antenne que le FMI va prêter 400 Mds € à l’Italie, il faut que vous compreniez que, sans réforme institutionnelle du FMI et sans ressources additionnelles, c’est sur ces capacités de tirage de la zone que cette somme est allouée (donc rien de bien spectaculaire somme toute).

Mais nous allons vraisemblablement assister à un renforcement des ressources monétaires du FMI : hausse des quote-parts d’états à réserves et excédents conséquents ; création monétaire indirecte alimentée par la BCE

En zone Euro, nous allons donc nous diriger vers une sorte de monétisation indirecte contrainte mais néanmoins massive de la BCE malgré l’hostilité de la Bundesbank, du Bundestag et du gouvernement fédéral allemand.

S’agissant d’une monétisation certes indirecte mais orchestrée par la BCE, l’institut de Francfort exigera de fortes contreparties de la part des états et la mise en place de politiques budgétaires durablement restrictives.

Et puisque ces politiques budgétaires restrictives risquent d’étouffer l’économie, la Banque centrale acceptera de compenser cette pro-cyclicité par une politique monétaire durablement très accommodante et ne s’opposera pas à une baisse significative et ordonnée de la parité euro-dollar

Mory Doré , Décembre 2011

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