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Élections en Grèce et en Espagne : risque politique ?

Dans nos perspectives de début d’année, nous faisions du risque politique, tout particulièrement dans la zone euro, l’un des éléments déterminants pour l’évolution de l’économie mondiale 2015. Nous faisons le point sur l’évolution de celui-ci en Grèce, où les négociations avec les créanciers se poursuivent, et en Espagne, suite aux élections locales.

La Grèce

Les élections du 25 janvier ont tout d’abord fait place à un certain optimisme. Le gouvernement installé suite à la victoire du parti d’extrême gauche Syriza ayant tout d’abord adopté un ton conciliant dans les négociations avec ses créanciers. La troïka, honnie des grecs, avait été rebaptisée « les institutions » et le mémorandum s’était transformé en accord. Ces changements cosmétiques pouvaient faire croire à un accord rapide. Force est de constater que les échanges ont été bien plus acrimonieux.

Fin mai, aucun accord ne semble se dessiner entre le gouvernement grec et les partenaires européens et les diverses échéances financières auxquelles le pays fait face sont scrutées pour savoir à quel moment l’Etat grec ne pourra plus faire face à ses engagements.

Les négociations se poursuivent donc, mais il faut avoir à l’esprit que celles-ci portent pour l’instant sur le déblocage des aides liées au plan actuel, le deuxième qui ait été accordé au pays. Il s’agirait donc d’une tranche d’environ 5Mds EUR qui permettrait à la Grèce de payer ses échéances au FMI pour le mois de juin, de rembourser une partie de ses arriérés de paiements, mais qui serait sans doute insuffisante pour faire face aux 6,5Mds qu’elle doit rembourser à la BCE cet été, sans parler des échéances suivantes.

Il faudra donc négocier un troisième plan d’aide avec le pays. Un accord a minima de court terme reste envisageable pour le solde du deuxième plan mais les sujets les plus litigieux seront sans doute reportés aux discussions à venir. L’interview d’Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, dans les Echos du 26 mai était très claire sur l’importance des réformes du système des retraites et de la réduction du nombre de fonctionnaires. Or, les retraites, tout comme une augmentation de la TVA, constituent des lignes rouges pour le gouvernement grec. Quand bien même celui-ci serait prêt à transiger, une bonne partie des députés de Syriza refusent tout compromis. Un référendum sur un nouvel accord ou de nouvelles élections sont donc des scénarios tout à fait envisageables.

Que se passerait-il en cas de défaut de paiement auprès du FMI ? Sans doute pas grand-chose dans l’immédiat. Tout d’abord, un débiteur du FMI qui manque un paiement dispose d’un mois de délai pour normaliser sa situation. De plus le FMI est un créancier à part, ce qui fait que les agences de notations ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne déclareraient pas de défaut. De ce fait, les banques grecques pourraient continuer à utiliser l’ELA, la facilité de fourniture de liquidité d’urgence. En revanche, la BCE pourrait demander un durcissement des décotes sur les collatéraux apportés par les banques grecques. Ceci est important car si jamais la Grèce sort de la zone euro autrement que par un choix assumé du pays, la liquidité du système bancaire en serait la cause.

Pour résumer, on pourrait avoir un accord à court terme, temporaire, mais le dossier grec serait loin d’être réglé et un accident ne peut être exclu.

Les élections en Espagne

Les élections locales (une partie des régions et les municipalités) ont montré une forte érosion du Parti Populaire (centre-droit) actuellement au pouvoir, dont le score national est passé de 37% à 27%. Le Parti Socialiste affiche un score légèrement inférieur. Le résultat est présenté comme particulièrement favorable pour les jeunes partis Podemos et Ciudadanos. Rappelons que le premier découle des mouvements des indignés, se situe à l’extrême gauche et est très anti-européen. Le dernier semble se positionner au centre, est très pro-européen, et fait de la lutte contre la corruption une priorité.

Ces deux partis bénéficient du profond désarroi de la population vis-à-vis des deux partis qui ont dominé la vie politique espagnole depuis plus de trente ans et dont de nombreux responsables sont empêtrés dans des affaires de corruption. Podemos n’a pas présenté de listes sous son seul nom mais a soutenu des listes d’initiative locale en accord avec ses idées : il faut donc être prudent quant à l’extrapolation de leurs résultats au niveau national.

L’indéniable amélioration de l’économie espagnole a constitué le principal argument du gouvernement actuel. En effet, la croissance s’élève à +2,6% sur un an au premier trimestre et le taux de chômage a baissé régulièrement pour atteindre 23,0% en mars contre un plus haut à 26,3% deux ans plus tôt. Néanmoins, le niveau du chômage reste très élevé et de toute façon, la politique n’est pas complètement déterminée par l’économie…

Que vont faire les différents partis ? Des alliances ? Mais l’attrait de Podemos et de Ciudadanos est justement de se présenter comme des partis anti-système, position difficile à maintenir s’ils choisissent de s’associer aux partis historiques. Podemos semble s’orienter vers un soutien possible pour le Parti Socialiste afin de faire basculer les exécutifs détenus par la droite, mais Pablo Iglesias, le leader du mouvement, insiste sur un abandon complet des mesures de réduction des dépenses publiques et sur diverses mesures contre la corruption. La situation de l’Andalousie, où les élections se sont tenues en mars montre qu’un tel accord n’est pas évident. Podemos refuse son soutien aux socialistes arrivés en tête car ces derniers ne veulent pas accéder à ses demandes. Ciuadadanos s’oriente davantage vers la lutte contre la corruption, et notamment sur la tenue de primaires pour les prochaines élections.

Les élections législatives doivent se tenir avant le 20 décembre 2015. 350 députés siègent au congrès des députés ; ceux-ci sont élus dans 52 circonscriptions, dont le nombre de sièges est défini de la manière suivante : deux sièges sont automatiquement attribués à chaque circonscription et deux à Ceuta et Melilla. Les 248 autres sièges sont attribués proportionnellement à la population. Globalement le scrutin favorise les plus gros partis mais sans prime majoritaire. Or le Parti Populaire reste en tête dans les sondages au niveau national. Ceux-ci montrent une relative érosion du soutien à Podemos depuis le début de l’année et une nette augmentation des scores de Ciudadanos. Podemos pourrait également souffrir d’un échec de Syriza en Grèce. Si cette dynamique se poursuit, Ciudadanos pourrait faire figure de faiseur de roi. Dans ce cas, les prochaines élections représenteraient un risque bien moindre.

Le résultat des élections montre que le bipartisme et la relative stabilité qu’il entraîne semblent donc partis pour laisser place à une assemblée bien plus fragmentée. Mais c’est aussi ce que l’on annonçait pour les élections britanniques qui ont pourtant, contre toute attente, donnée une majorité aux conservateurs. Il faudra donc continuer de surveiller l’évolution de la situation politique espagnole sans tirer de conclusions hâtives du dernier scrutin.

Conclusion

Pour l’instant, il n’y a pas eu véritablement d’impact à l’échelle des marchés européens de ces facteurs de risque.

Concernant la Grèce, nous pensons que la situation est radicalement différente de celle qui prévalait en 2011. Le système bancaire européen n’est plus exposé au pays dans des proportions systémiques. Les achats de titres de la BCE devraient éviter un emballement des spreads. Par ailleurs, la croissance est de retour. Dans un scénario de sortie de la Grèce, dont nous estimons la probabilité à près de 30-40%, au-delà d’une réaction épidermique des marchés, nous ne voyons pas d’impact à moyen terme. A plus long terme, il est certain que la sortie d’un pays de la zone euro poserait des questions sur l’architecture de celle-ci. Mais un tel événement pourrait avoir une vertu, en montrant les conséquences d’une sortie de la zone euro qui seraient très négatives pour le pays concerné.

Quant à l’Espagne, il est certainement trop tôt pour tirer des conclusions sur des élections qui se tiendront dans près de six mois

Julien-Pierre Nouen , Juin 2015

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