Dans quelle mesure les marchés doivent-ils craindre un défaut de la Grèce ?

Un défaut total et unilatéral de la Grèce aurait probablement des effets importants sur les marchés, au moins à court terme. Nous pensons cependant que d’un point de vue structurel, les marchés financiers mondiaux sont suffisamment protégés pour faire face à cette éventualité...

Les investisseurs continuent à redouter un défaut de la Grèce ; dans quelle mesure cette issue perturberait-elle vraiment les marchés ?

Pour Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, la partie est perdue d’avance. Après avoir honoré un remboursement de 750 millions d’euros dus au FMI en mai, à peine quelques heures avant de nouvelles discussions serrées avec ses créanciers, la Grèce paraît bien loin d’être tirée d’affaire. La prochaine échéance de remboursement dû au FMI est fixée à ce vendredi (5 juin) et concerne un prêt de 300 millions d’euros. Or pendant le mois de mai, plusieurs membres du parti au pouvoir Syriza, ont menacé de ne pas procéder à ce remboursement. Une chose est claire : M. Tsipras ne peut satisfaire à la fois son électorat et les créanciers de son pays .

Sans aide supplémentaire, la Grèce pourrait faire défaut sur ses remboursements , et ce dès cette semaine. Mais quelles seraient les conséquences d’un défaut pour les investisseurs ?

Liens systémiques moins importants

Un point doit être souligné : il n’est pas sûr du tout qu’un défaut de remboursement au FMI forcerait la Grèce à sortir de la zone euro et à se mettre en défaut par rapport à ses créanciers européens.

En effet, les liens de la Grèce avec le système financier de la zone euro ont nettement diminué depuis 2012, année où le pays a bénéficié d’une des plus grosses restructurations de dette de l’histoire, effaçant 100 milliards d’euros de son passif. D’autre part, les risques entourant la dette souveraine grecque ont été transférés, dans une large mesure, du secteur bancaire vers le secteur public de la zone euro.

Qui détient la dette grecque ?

L’essentiel de la dette grecque est détenu par le fonds européen de stabilité financière (FESF), la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque européenne d’investissement (BEI), ainsi que sous la forme de crédits bilatéraux. Selon S&P, ces derniers représentent 53 milliards d’euros : leur importance ne doit donc pas être sous-estimée. Toutefois, en octobre 2014, l’exposition directe des États de la zone euro à la dette grecque s’élevait à 302 milliards d’euros, soit environ 3 % du PIB de la zone (hors Grèce) : par conséquent, un défaut grec éventuel devrait avoir des effets limités.

Impact d’un défaut

Du point de vue du FESF, l’exposition nette aux emprunts d’État grecs représente près de 166 milliards d’euros, mais cette exposition sera absorbée par les États-membres de la zone euro sur plusieurs dizaines d’années. D’autre part, la procédure de restructuration a allongé les calendriers de remboursement des emprunts grecs : ainsi, le premier remboursement n’aura pas lieu avant 2023. À noter également que dans la plupart des États-membres de la zone euro, les banques centrales n’auraient pas besoin de couvrir le déficit de capital engendré, contrairement aux banques commerciales.

La BCE est exposée à la dette grecque principalement via le programme d’Aide d’urgence en cas de crise de liquidité (ELA) qui procure aux banques grecques des lignes de liquidité supplémentaire tant qu’elles sont en mesure d’apporter suffisamment de collatéral éligible. Si la Grèce faisait défaut sur un remboursement d’obligation, la BCE pourrait retirer ce programme d’aide et n’aurait pas forcément besoin de couvrir les déficits provoqués, comme on l’a vu plus haut.

Quant à la BEI, son exposition s’élève à environ 7 milliards d’euros, ce qui est assez faible pour une institution de cette taille, et nous n’envisageons pas qu’elle devienne insolvable. Un défaut de la Grèce ne pourrait donc pas déstabiliser la banque à lui seul.

Risque de propagation

Enfin, le risque de propagation de la crise de la dette grecque a été théoriquement contenu par la création du Mécanisme Européen de Stabilité financière. Cette réserve d’environ 500 milliards d’euros devrait ainsi maintenir le flux de liquidités des États affectés au cas où des remboursements critiques seraient menacés à la suite du défaut de la Grèce.

Naturellement, on ne peut exclure la possibilité de liens financiers cachés, ni d’implications indirectes et politiques. Un défaut total et unilatéral de la Grèce aurait probablement des effets importants sur les marchés, au moins à court terme. Nous pensons cependant que d’un point de vue structurel, les marchés financiers mondiaux sont suffisamment protégés pour faire face à cette éventualité.

Alan Cauberghs , Juin 2015

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