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Comment Reginald Lewis réalisa un LBO d’1 millard de dollars

Reginald Francis Lewis, avocat de la Harvard Law School fut aussi un financier de talent, réalisant avec l’acquisition de Beatrice Foods en 1987, ce qui était alors le plus gros LBO jamais réalisé par une société américaine pour un rachat en dehors des Etats-Unis.

Reginald Lewis naquit le 7 décembre 1942 à Baltimore dans une famille de la classe moyenne noire. Il commença par effectuer des études au Virginia State College (d’où il sortit diplômé en économie en 1965).

Encore étudiant à Virginia State, Lewis eut l’occasion de participer à une session d’été à Harvard, destinée aux étudiants issus des minorités. La session ne prévoyait pas l’admission d’étudiants. Mais Reginald Lewis bien préparé, fit une excellente impression sur ses professeurs. Il demanda un rendez-vous avec l’un d’eux et eut l’audace de demander à être admis à Harvard suite à ses prestations. Finalement, la Harvard Law School l’informa qu’il était admis avant même qu’il eut rempli un dossier de candidature !

A Harvard, il se spécialisa dans le droit des marchés financiers. Son mémoire de troisième année portait sur les rachats d’entreprise. Il sortit diplômé en 1968, et alla travailler pour une prestigieuse firme de droit new-yorkaise avant de s’établir à son compte. Refusant la médiocrité, faisant preuve d’une volonté et d’une détermination extrême, Lewis s’ingéniait à repousser les limites. Après moins de trois années d’expérience, il décida de se mettre à son propre compte comme avocat !

Il conseilla diverses entreprises possédées par des membres issus des minorités lors d’opérations leur permettant de lever des capitaux, puis toujours ambitieux, eu l’envie de faire des deals par lui même, ce qui le conduisit à créer une firme de capital risque nommée "TLC Group L.P" en 1983. Après plusieurs tentatives de rachats d’entreprises ratées qui lui permirent d’analyser ses points forts et ses faiblesses dans ce domaine, sa première grande affaire fut un "LBO" (Leverage Buy Out, technique d’ingénierie financière qui permet de lever des fonds pour racheter une entreprise NDLR) d’un montant de 22,5 millions de dollars qui lui permis de racheter la compagnie Mc Call Patern & Co dont peu de gens avaient vu le potentiel, mais qu’il racheta à force de ténacité.

Lewis restructura la compagnie, s’impliquait dans les discussions avec le top management de la société et lui fit retrouver le chemin des bénefices. Il la revendit au cours de l’été 1987 pour 90 millions de dollars, ce qui lui généra 50 millions de dollars de profits nets.

Doté d’une personnalité explosive, et d’un tempérament difficile, il exigeait le meilleur de lui même et évidemment de ses collaborateurs. Pour lui, ceux qui ne donnaient pas le meilleur d’eux-mêmes faisaient preuve d’un "manque d’effort" qui était indéfendable.

En octobre 1987, Lewis réussit ce qui fut le plus gros deal de sa carrière en rachetant pour 985 millions de dollars la division internationale de Beatrice Foods, une société qui comptait 61 filiales et participations dans 31 pays. Il battit plusieurs multinationales qui étaient en compétition avec lui sur le dossier parmi lesquelles Citigroup. La compagnie rachetée par Lewis prit le nom de "TLC Beatrice International" présente dans l’agro-alimentaire, les soft-drinks, et la grande distribution. C’était le plus gros LBO effectué pour le rachat d’une entreprise en dehors du territoire américain et le deal fut en partie financé par Michaël Milken, un des personnages les plus influents de Wall-Street à l’époque.

Beatrice possédait des filiales en France, et le deal nécessitait l’approbation du gouvernement français. Lewis rencontra Charles Dequase, un proche collaborateur d’Edouard Balladur, ministre des finances de l’époque à qui il déclara que le retard pour obtenir l’accord de la France lui coûtait 30 millions de FF ! L’opération fut validée. Lewis s’établit par la suite en France d’où il dirigeait les opérations de son groupe.

En France, TLC Beatrice contrôlait à 50 % la chaîne de magasins "Leader Price" et possédait la chaîne de supermarchés "Franprix" forte de 450 magasins au milieu des années 90 (et à l’époque leader de la distribution alimentaire en Ile de France). En 1993, TLC réalisa 1,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en France, et 440 millions dans le reste du monde (fabrication de chips en Irlande, glaces en Espagne et en Allemagne, activités d’embouteillage en Espagne et aux Pays-bas), soit un chiffre d’affaires supérieur à 1,6 milliards de dollars. A son apogée en 1996, la compagnie réalisera un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de dollars.

Malgré son succès, Lewis n’oubliait pas les autres et en 1987, il créa la "Reginald Lewis Foundation". Celle-ci avait avant sa mort accordé des bourses et des dons pour environ 10 millions de dollars à divers programmes d’éducation, d’actions communautaires, ou d’actions en faveur des droits civiques...Sa première action fut de faire don d’1 million de dollars à la Howard University, une université dédiée à la communauté noire américaine. Plus tard, il fit un nouveau don de 3 millions de dollars cette fois, à la Harvard Law School, ce qui représentait à l’époque le plus gros don jamais effectué dans l’histoire de l’université. "L’International center Building" reçut le nom de Reginald Lewis.

En 1992, Lewis figura dans la liste Forbes des 400 américains les plus riches avec une fortune évaluée à 400 millions de dollars et fut reçu en compagnie d’autres PDG de grandes entreprises américaines par George Bush à la Maison-Blanche. Malheureusement, sa brillante carrière fut interrompue par sa mort soudaine en 1993, qui survint à la suite à un cancer du cerveau. Lors de ses funérailles, l’ex maire de New-York, David Dinkins, déclara "qu’en un demi-siècle, Lewis avait réalisé ce que la plupart des gens auraient cru irréalisable".

En 1998, TLC Beatrice alors dirigée par Loïda Lewis, la veuve de Reginald Lewis, qui avait repris les rênes céda la division française au groupe Casino dans un deal à 573 millions de dollars. Un peu plus tard, elle décida de revendre la compagnie et en 1999, le conseil d’administration approuva son plan.

Paul Monthe , Janvier 2008

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