CGPI : l’enjeu vital de la transmission

Le blocage du marché de la transmission empêche souvent les conseillers indépendants de monétiser un fonds de commerce pourtant patiemment constitué tout au long de leur carrière. Pour prévenir cette difficulté, le CGPI doit dépasser la captation passive d’une rente de situation et diluer son intuitu personae au profit d’une vision entrepreneuriale de son cabinet. L’analyse de MyFlow [1]...

Parmi les nombreux enjeux professionnels auxquels les CGPI font face aujourd’hui, il en est un qui a été insuffisamment adressé. C’est celui de la transmission des cabinets-. Ils n’ont pas d’autres solutions que de mettre « en sommeil » leur activité. Ce type de pratique n’est pas en mesure créer de la valeur sur un fonds de commerce pourtant patiemment constitué tout au long de leur carrière. Il ne l’est pas non plus pour la profession dans son ensemble, qui se prive d’une consolidation autour d’acteurs forts et l’empêche de rivaliser avec les réseaux bancaires.

Pourquoi ? La crise n’a rien à voir avec cela, pas plus que le virulent débat sur le modèle économique du secteur, tiraillé entre honoraires et commissions. A l’instar de tout marché, la vente d’un cabinet découle en réalité de la confrontation entre une offre et une demande. La variable d’ajustement de cette confrontation est le prix de cession, qui est la somme de la valeur comptable du cabinet et de son goodwill. Ce dernier est la somme des actifs immatériels de la société, c’est-à-dire de ses composantes humaines, stratégiques, réputationnelles et organisationnelles. Il constitue donc une sorte de promesse, qui détermine en retour le potentiel économique de l’affaire et sur laquelle se joue la négociation. Or les cabinets sont encore souvent organisés autour de la seule relation personnelle, voire affective, entre le conseiller et son client. L’absence de réalité économique du cabinet autre que cette relation est destructrice de valeur pour tout acheteur potentiel, qui n’a aucune garantie que le fonds de commerce survivra à la disparition de cet intuitu personae. Résultat, le goodwill d’un cabinet de CGPI est souvent… négatif.

Des multiples de valorisation dissuasifs pour le cédant

Pour cette raison, les acheteurs potentiels n’accepteront de prendre le risque d’acquérir un cabinet qu’en imposant une forte décote sur sa valeur comptable et ne seront pas prêts à débourser plus de 1,5 à 2 fois son chiffre d’affaires. Seulement voilà. Une cession à un prix de vente aussi faible serait un non-sens économique pour le vendeur potentiel, qui se priverait de sa rente de situation. Il préférera donc « hiberner » sur son fonds de commerce et se garder de vendre son affaire. En dépit de la démographie vieillissante de la profession, le marché de la transmission est donc grippé par son manque… d’offre. Les groupements restent dans cette situation la seule solution pour le CGP voulant arrêter. En effet, ces derniers vont compenser la perte éventuelle de clients par d’une part les économies d’échelle et une politique marketing et commerciale plus importante. Quant à un nouvel arrivant sur le marché, il ne pourra compter sur l’acquisition d’un cabinet, fût-elle effectuée par endettement, et ne pourra gagner du temps sur la constitution ex nihilo de son fonds de commerce. Au pire, ce blocage du marché de la transmission le découragera d’embrasser la profession.

La seule parade consiste pour les cédants à rassurer les repreneurs sur la pérennité de leur fonds de commerce. C’est la seule façon d’accroître les multiples de valorisations de son cabinet - et donc, à donner un véritable sens patrimonial à un éventuel projet de transmission. Comment ? En octroyant au cabinet une réalité économique indépendamment de son fondateur. Le cédant doit pouvoir prouver à l’acheteur qu’il ne risque pas de dispersion de sa clientèle après son départ. Il doit donc dépasser la captation passive d’une rente de situation et diluer son intuitu personae au profit d’une vision entrepreneuriale de son cabinet.

Une nécessaire structuration des cabinets

De façon plus pratique, le conseiller doit chercher à structurer son cabinet autour :
- d’une méthodologie
Le client final doit être adressé dans un cadre procédural normé, de façon à consolider sa relation avec le cabinet et à réduire sa versatilité. En imposant un cadre prudentiel rigoureux, la régulation doit à ce titre être perçue comme une opportunité, et non plus seulement comme une contrainte.
- d’outils
Le conseiller doit appuyer sa démarche sur des outils techniques (logiciels d’agrégation de comptes, outils d’allocation…), qui supposent un mode opératoire autour duquel peut se construire l’ensemble de l’organisation du cabinet et de ses workflows.
- d’une équipe
Dans la mesure de ses ressources, le cédant doit diluer la part de l’intuitu personae dans le rapport du cabinet avec ses clients en constituant un début d’équipe (administratif, consultant junior…). Garante de la fidélité des clients, cette équipe devient dépositaire de la pérennité du cabinet après le départ du conseiller/propriétaire.
- d’une marque
La notoriété du cabinet doit prendre le pas sur celle du conseiller. Cette nécessité passe par une stratégie de marque fondée sur des outils de communication et de marketing modernes (souvent peu onéreux grâce à internet), tels qu’un site web, des campagnes de e-newsletters régulières, voire l’utilisation des réseaux sociaux.
- de partenaires
Une autre façon de diluer l’intuitu personae est de favoriser l’interprofessionalité, c’est-à-dire de constituer des micro-réseaux de conseillers partenaires spécialisés par grands thèmes patrimoniaux (prévoyance, retraite, immobilier…).

Ambitieux et complexes à mettre en œuvre, ces chantiers ont déjà été entrepris au sein d’autres professions du conseil. Si la relative homogénéité desworkflows des médecins (chaque médecin soigne la grippe à peu près de la même manière) facilite structurellement les transmissions, les conseillers ont tout intérêt à s’inspirer des pratiques de transmission des cabinets d’avocats. Ces derniers travaillent en effet leur transmission très en amont, de façon à faciliter la passation de leurs dossiers et de leurs clients sans craintes de déperdition commerciale de la part des repreneurs. Ces usages sont autant de bonnes pratiques desquelles les conseillers peuvent s’inspirer. Il en va de leur intérêt. Stratégique pour l’ensemble des acteurs, l’enjeu de la transmission participe en effet en retour à l’affirmation de la profession et à sa pérennité dans le paysage économique du pays. Pas moins.

MyFlow , Mai 2012

Notes

[1] Lancé en septembre 2010, myflow.fr est une plateforme en ligne d’aide à l’allocation d’actifs. Cet outil vise à fédérer la profession en permettant au conseiller indépendant de construire des portefeuilles en adéquation avec les objectifs de placement de chaque client. Myflow.fr cherche à mettre à la disposition des conseillers indépendants des outils jusqu’alors réservés aux seuls investisseurs institutionnels.

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