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Bruno Le Chevallier : « Nous nous sommes délestés de toutes les valeurs bancaires et avons élargi la vente aux assureurs »

Selon Bruno Le Chevallier, Gérant du fonds CCR Opportunity, dans un scénario optimiste, les marchés pourraient rebondir d’environ 10% à 15% d’ici la fin de l’année...

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Créé depuis 10 ans, le fonds actions opportunistes CCR Opportunity a traversé de nombreuses crises au cours de son existence. Il a démontré qu’il avait su protéger le patrimoine des investisseurs malgré deux crises financières majeures avec une performance sur 10 ans de +43,51% (au 31 août 2011).

Pensez-vous que la crise actuelle s’apparente à celles que nous avons connues en 2003 et 2008 ?

Bruno Le Chevallier, Gérant du fonds CCR Opportunity : Pour avoir connu les chocs financiers de 1981 et 1982, les krachs de 1987, août 1990 (guerre du Golf), 1998, 2001 (bulle internet) et 2008, chaque crise est différente.

Celle que nous pressentons depuis cet été ressemble partiellement à la crise de 1998 qui était, elle aussi, partie du risque souverain en Asie puis s’était intensifiée avec le défaut de la Russie et la quasi faillite du Hedge Fund LTCM. A l’époque les banques perdaient 10% tous les jours et la crise a duré environ 2 mois. Elle a été résolue par le sauvetage de ce Hedge Fund et par une baisse des taux de la FED.

Cette fois ci, le risque bancaire et souverain, à travers l’endettement des Etats, se situe au coeur de l’Europe et des Etats Unis, créant une situation plus complexe et plus longue à résoudre.

Comment le fonds a-t-il vécu les derniers événements de cet été ?

Bien et mal. Au début de l’été nous étions assez inquiets sur la situation européenne malgré le plan de sauvetage de la Grèce et, de ce fait, nous n’avions aucune banque en portefeuille, mais la forte révision en baisse de la croissance américaine au 1er et 2e trimestre 2011 a déclenché une correction beaucoup plus forte que nous ne l’escomptions au mois d’août. Puis le compromis bancal sur le plafond de la dette américaine a déclenché une crise de confiance sur les marchés financiers qui s’est propagée au sein du système financier européen. La brutale remontée de la volatilité et de l’aversion au risque a pesé sur l’ensemble des indices puisque l’Eurostoxx 50 perdait plus de 13,79% sur le mois d’août et le CAC 40 11,33%. Si on regarde les plus hauts de l’année que nous avons connus au printemps, c’est une correction de près de 30% pour les 2 indices. Une correction aussi brutale et rapide est assez rare, il y en a eu environ une dizaine seulement depuis 1954. CCR Opportuntity perd 8% sur cette période, et baisse ainsi de -8,07% depuis le début de l’année, contre -17,57% pour l’Eurostoxx 50 et -14,4% pour le CAC 40.

Le portefeuille du fonds s’est, dans un premier temps, délesté de toutes les valeurs bancaires malgré leurs sous-évaluations et nous avons élargi ces ventes à l’ensemble des assureurs eux aussi concernés par le risque souverain. Nous avons réduit la pondération actions en prenant des profits sur des valeurs comme SAP, Dassault système, Safran, Givaudan, vendu quelques valeurs cycliques comme Alcatel ou des parapétrolières comme Amec PLC, Fugro et partiellement CGG Veritas. Ainsi la pondération actions est passée de 82% au début de l’été à 70% fin août compte tenu d’une opération financière annoncée sur la société Delachaux qui représente 3% du fonds.

A l’inverse, nous avons renforcé 2 valeurs défensives : Mobistar et Edenred.

Quelles sont les thématiques que vous privilégiez actuellement dans votre fonds ?

Comme je l’ai déjà évoqué, nous évitons l’ensemble des valeurs financières (banque et assurance).
Parmi les thématiques que nous favorisons en ce moment, nous privilégions le thème de la mobilité et de la sécurité avec deux valeurs françaises de qualité : Gemalto et Ingenico. Nous apprécions aussi l’ensemble de la chaine agro-alimentaire avec Syngenta (semences), Yara (engrais), K+S (potasse et sel), et l’agro-chimie comme les groupes allemands BASF et Bayer après leur baisse.

Nous avons aussi joué le thème des énergies renouvelables avec des valeurs comme SAFT, ou SOITEC qui développe un projet très ambitieux dans l’énergie solaire avec le soutien du fonds stratégique d’investissement qui a pris 12% du capital.

Nous restons très diversifiés dans le portefeuille avec un mélange de titres défensifs et de valeurs cycliques. Certaines valeurs détenues en portefeuille nous semblent avoir déjà intégré l’hypothèse d’une récession, telles que Peugeot qui se paie 30% de ses fonds propres, 4 fois ses résultats ou encore Bouygues qui fait l’objet d’une offre publique de rachat pour 11% de son capital à un cours supérieur de 30% au cours actuel.

Globalement, les marchés d’actions sont très peu chers, surtout relativement aux marchés obligataires (taux longs entre 2 et 3% en Europe du nord), sauf si l’on rentre dans une récession durable ou semblable à celle de 2008 qui fut particulièrement brutale.
Aujourd’hui, les actions européennes rapportent plus de 5%, se paient 9 à 10 fois les résultats. Ce sont des niveaux très attrayants même si les incertitudes politiques et économiques ont rarement été aussi fortes.

Quelle est la composition du portefeuille ?

Le fonds est investi à 70% en actions, reste très diversifié avec près de 100 valeurs dont la plus importante est Total (3,5% du portefeuille). Le portefeuille est composé d’environ 60% de valeurs françaises, le reste étant réparti dans le nord de l’Europe (Allemagne, Angleterre et Suisse). L’Europe du sud représente moins de 3% du portefeuille avec des titres comme l’ENI en Italie.
Les 30% non investis en actions sont essentiellement investis en monétaire.

Quelles sont vos perspectives ?

Le marché va rester très volatil et suspendu à l’application ou non des mesures financières annoncées lors du sommet du 21 juillet dernier (plan de soutien à la Grèce, renforcement du fonds de secours européen...)

En définitive, la sortie de ces crises financières passe par des décisions et des choix politiques. L’Europe n’a pas d’autre choix que d’avancer, et dans un scénario optimiste, nous pensons que les marchés pourraient rebondir d’environ 10% à 15% d’ici la fin de l’année.

Next Finance , Septembre 2011

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