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Alix Chosson : « On a fait des progrès exceptionnels »

Selon Alix Chosson, Analyste ISR chez Standard Life Investment, l’ISR a beaucoup évolué depuis quelques années. Il y a cinq ans, la mentalité était plutôt celle d’une responsabilité sociétale, citoyenne. Aujourd’hui, les entreprises se sont vraiment emparées de la question et savent qu’elles peuvent apporter des solutions...

Comment situez-vous aujourd’hui l’Investissement Socialement Responsable dans la culture des grandes entreprises ?

Alix Chosson : A Standard Life Investment, nous constatons qu’il y a une demande de plus en plus forte des clients, qui cherchent à intégrer l’ISR dans la façon dont leur argent est géré, à la fois pour une question de conscience et pour l’attrait financier que cela peut représenter. Ou pour les risques qu’une absence de prise en compte pourrait faire peser, comme on l’a vu récemment avec Volkswagen, et aussi comme on le voit quasiment tous les jours avec des entreprises négligentes qui provoquent des accidents environnementaux. Tous ces enjeux font partie intégrante aujourd’hui de la gestion des risques des entreprises.

Comment Standard Life Investment organise ses travaux avec ces entreprises ?

Nous travaillons à partir de trois piliers : d’abord celui de la base, qui est l’intégration. Nous faisons des recherches ESG (environnement, social et gouvernance) pour nos clients, et nous intégrons leur profil et leurs besoins dans notre cadre de travail. Le second pilier est celui de l’ISR, dans lequel nous appliquons un filtre sur les investissements que nous proposons en ne retenant que les entreprises qui ont des bonnes notes. Le troisième pilier est celui de l’éthique, où cette fois nous excluons totalement les entreprises qui font partie d’un secteur non compatible avec les attentes de nos clients, comme le tabac, les ventes d’armes, les tests nucléaires, les essais pharmaceutiques sur les animaux, par exemple. Environ 15% des entreprises sont exclues.

L’ISR peut-il être vraiment profitable à long terme ?

Les rendements sont à peu près les mêmes, mais on peut demander plus sur une commission, lors qu’il y a des recherches plus importantes en ESG, sur certains produits, avec une couche d’analyse en plus. Mais la performance est la même d’une manière générale. Certaines études ont montré qu’il y avait une sur-performance, d’autres non.

Beaucoup de clients sont des fonds de pension, et comme ils investissent sur le long terme, ils souhaitent que leur assets managers prennent un ensemble de critères plus larges, et dans ce cas les critères sociaux et environnementaux sont systématiquement pris en compte.

Beaucoup de clients sont des fonds de pension, et comme ils investissent sur le long terme, ils souhaitent que leur assets managers prennent un ensemble de critères plus larges, et dans ce cas les critères sociaux et environnementaux sont systématiquement pris en compte.
Alix Chosson, Analyste ISR chez Standard Life Investment

Vous êtes spécialisée dans l’ISR depuis cinq ans, avez-vous noté des évolutions depuis le début de la décennie ?

L’ISR a beaucoup évolué depuis quelques années. Il y a cinq ans, la mentalité était plutôt celle d’une responsabilité sociétale, citoyenne. Aujourd’hui, les entreprises se sont vraiment emparées de la question et savent qu’elles peuvent apporter des solutions. Il y a un dialogue au sein des entreprises car ces enjeux sont mis en exergue par une régulation plus importante, par les défis toujours plus importants qui se présentent au monde. Les entreprises qui ne se comportent pas bien d’un point de vue environnemental peuvent le payer très cher.
On peut aussi noter aujourd’hui l’émergence de la génération des Millenials (Generation Y), qui veulent investir dans des entreprises propres, avec un impact positif sur la société.

L’éthique et l’Investissement Socialement Responsable ne seraient-ils pas déjà induits naturellement par un capitalisme qui serait parfaitement régulé ?

Dans notre métier, la régulation aide effectivement beaucoup. Mais toutes les externalités ne sont pas prises en compte par les marchés. L’ISR va dans le sens d’un capitalisme régulé mais aussi d’enjeux mieux gérés à long terme. Les risques sont très difficiles à gérer sur le court terme, car les politiques travaillent sur une temporalité plus courte, et derrière c’est des enjeux de plusieurs générations. La prise en compte de ces enjeux résulte du fait que nos sociétés ont conscience que les visions doivent de plus en plus être basées sur le long terme. On parle du climat, mais c’est aussi valable pour les inégalités et les politiques de santé.

Il y a cinq ans, au sortir du fiasco de Copenhague, personne ne pouvait imaginer qu'on aurait la Chine, l'Inde, l'Europe et les Etats-Unis prêts à s'engager sur des chiffres de réduction des gaz à effet de serre.
Alix Chosson, Analyste ISR chez Standard Life Investment

L’éthique et l’ISR ne constituent-ils finalement pas une zone grise entre un capitalisme bien régulé et un capitalisme hors de contrôle ?

Il s’agit surtout d’anticiper le futur et de dépasser les réalités actuelles ou celles du passé. On arrive à un moment charnière. Une prise de conscience générale a eu lieu. Il pourrait y avoir un accord global sur le changement climatique, avec la COP21. Il y a cinq ans, au sortir du fiasco de Copenhague, personne ne pouvait imaginer qu’on aurait la Chine, l’Inde, l’Europe et les Etats-Unis prêts à s’engager sur des chiffres de réduction des gaz à effet de serre. Les énergies renouvelables se développent rapidement, tout comme les batteries et le stockage de l’énergie, avec des coûts en forte baisse. Des entreprises intègrent aujourd’hui dans leur business une stratégie de bas de pyramide, elles ciblent des populations qui ont des très bas salaires pour leur proposer des services ou des produits adaptés à leurs revenus.
On ne peut pas savoir si tout cela est suffisant, mais on a quand même fait des progrès exceptionnels.

JH , Décembre 2015

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